L'humanité demeure une créature singulière, reconnue à travers l'univers, bien que souvent pour des raisons peu enviables. Depuis leur naissance, un processus qui fut à la fois rapide et étrange, certains d'entre nous ont eu la responsabilité de les observer. Dès le départ, nous avons compris qu'ils étaient uniques, mais leur propension à la violence et leur apparence sous-développée et peu intelligente nous ont intrigués. Nous les avons laissés évoluer sans intervention directe, mais avons suivi leurs progrès grâce à nos vaisseaux spatiaux.
Aujourd'hui, l'Homme a évolué en la dernière espèce d'humains sur la planète qu'ils ont baptisée Terre. Nous, en revanche, l'appelons Savaria, un nom que nous trouvons plutôt original. Je suis Adifaih, originaire de Zunonet, une planète située dans le même bras de la galaxie que la Terre, bien que dans une direction opposée. Les Terriens appellent notre galaxie la "Voie lactée", une dénomination que je trouve curieuse, et que j'envisage de leur demander lors de notre rencontre.
On m'a informé que les Terriens seront bientôt prêts à découvrir qu'ils ne sont pas seuls dans l'univers. Cependant, je reste sceptique quant à leur niveau d'évolution. Bien qu'un petit nombre d'anonymes et de scientifiques soient convaincus de l'existence d'autres formes de vie, ils demeurent une minorité. La majorité des planètes membres de l'Organisation de la Galaxies Unie estiment que la Terre et ses habitants ne parviendront jamais à un stade évolué. Les guerres incessantes des humains sont souvent citées comme preuve de cette prédiction, mais il est essentiel de se rappeler que les Terriens sont encore jeunes, passant par des étapes que nous avons également traversées.
Personnellement, je suis convaincu qu'un jour, bien que lointain, les Terriens atteindront un niveau d'évolution comparable au nôtre. Lorsque cela arrivera, l'avenir restera incertain, et nos perceptions d'eux pourraient changer. Mais revenons au présent, car je souhaite partager ma première rencontre avec les Humains, une expérience qui remonte à quelques jours.
Le Président de l'OGU [1] m'a confié cette mission cruciale. Zunonet est chargée de rencontrer de nouvelles espèces intelligentes pour déterminer si elles sont prêtes à intégrer l'OGU en tant qu'ambassadrices ou simplement à être reconnues comme des espèces intelligentes, acceptant leur place dans l'univers vaste.
Lorsque mes compatriotes Zunos ont appris que j'étais désigné pour me rendre sur Terre, beaucoup m'ont averti de la prudence, affirmant que je rencontrerais des êtres ignobles et violents. Cependant, quelques-uns ont avoué qu'ils ignoraient ce que je trouverais là-bas, mais étaient persuadés que les humains avaient changé.
Préférant suivre ces intuitions optimistes, j'ai pris mon vaisseau pour traverser la galaxie. Le voyage spatial fut bref puisque nous partageons la même galaxie. J'arrivai aux abords de leur système solaire, passant devant les géantes gazeuses qu'ils nomment Neptune, Uranus, Saturne et Jupiter, puis la planète tellurique qu'ils nomment Mars, pour enfin contempler la Terre et sa Lune. C'était une vision magnifique, une planète bleue, riche en eau, une caractéristique que même Zunonet ne possède pas en abondance. C'est cette singularité qui rend les Terriens uniques, mais également sources de méfiance et d'hostilité.
Dzêta, l'Intelligence Artificielle contrôlant mon vaisseau, nous a permis de passer inaperçus aux radars lors de notre approche de la Terre. Malgré mon émerveillement constant, je n'ai pas pu atterrir près d'une grande ville. Ma surprise fut totale lorsque j'entendis une voix provenant de mon vaisseau, réalisant rapidement qu'il s'agissait d'un Humain me parlant à travers le communicateur.
— Vous figurez sur nos radars, vaisseau inconnu, identifiez-vous, déclara-t-elle.
— Dzêta, je t'avais demandé de nous dissimuler aux radars ! m'exclamai-je, agacé.
— C'est très étrange, monsieur, c'est bien ce que j'ai fait, répondit Dzêta.
— Vaisseau inconnu, identifiez-vous, réitéra la voix.
— ZC-TH4, euh, vaisseau Zunonet, répondis-je, pris au dépourvu.
— Restez en orbite le temps de confirmer votre identification, m'ordonna-t-elle, puis elle coupa la communication.
— Par les grands esprits, que s'est-il passé, Dzêta ?! demandai-je avec incrédulité.
— Je l'ignore, monsieur. J'ai bel et bien dissimulé notre présence aux radars ; normalement, nous aurions dû être indétectables.
— C'est impossible. Seules des technologies plus avancées auraient pu nous repérer… à moins que ce soit le cas, réalisai-je, murmurant pour moi-même.
— ZC-TH4, vous êtes autorisé à atterrir. Rendez-vous au pôle 4.8.1, zone d’atterrissage 6. Étant donné que vous n'êtes pas d'ici, vous serez accueilli par le service de renseignement, exigea la voix, mettant fin à la communication.
— Bien reçu, répondis-je sobrement.
Le service de renseignement ? quelle signification cela pouvait-il avoir ? Dzêta atterrit sur la zone d’atterrissage indiquée, révélant une ville grandiose, parsemée de vaisseaux spatiaux et de vastes structures les accueillant. Dzêta posa doucement le vaisseau. Dehors, je vis mon comité d’accueil déjà présent, composé d'hommes et de femmes. C'était ma première rencontre réelle avec des Terriens. Ils étaient presque aussi grands que moi, quelques centimètres de moins seulement. Ils m'attendaient, alors que moi, j'étais encore dans mon vaisseau, hésitant. Étais-je effrayé par eux ? il semblait que oui, peut-être influencé par les avertissements de mes collègues scientifiques.
— Monsieur, vous devriez sortir. Ce n'est pas dans vos habitudes de faire attendre vos hôtes, me rappela Dzêta.
— C'est exact, allons à leur rencontre, répondis-je soudainement déterminé.
En sortant, mon comité d’accueil se dirigea vers moi. À mesure qu'ils approchaient, je fus étonné de constater à quel point nous nous ressemblions : la même peau beige, bien que la leur soit plus claire, des formes humanoïdes, mais ce qui nous distinguait, c'étaient leurs cheveux aux multiples couleurs et formes, tandis que les Zunos arboraient des crânes chauves coiffés de dispositifs technologiques. Ces derniers permettaient de réaliser diverses tâches, dont la traduction de toutes les langues connues de l'univers, ce qui m'avait permis de comprendre la voix.
— Bienvenue, visiteur ! me salua un homme en souriant.
— Quel accueil ! pardonnez-moi de paraître si surpris, mais personne ne m'avait prévenu de votre avancée technologique, répondis-je en souriant. Tout cela me surprend grandement.
— Il n'y a pas de mal, c'est normal. Le Président souhaite vous rencontrer, si cela ne vous dérange pas. À moins que vous préfériez vous reposer ?
— Non, ça ira. Le Président en personne ? m'étonnai-je.
— Bien sûr ! dès que nous avons été informés de votre arrivée, il a insisté pour vous rencontrer, ajouta-t-il avec un sourire.
J'acceptai avec enthousiasme. Rencontrer le Président de la Terre en personne, c'était au-delà de mes attentes. Je m'étais initialement rendu ici pour les observer, mais la situation avait pris une tournure inattendue. Les Humains semblaient déjà savoir qu'ils n'étaient pas seuls dans l'univers, et aucun d'eux n'avait montré de crainte ou d'hostilité envers moi. Cela contredisait les prédictions de l'OGU selon lesquelles les Humains étaient naturellement agressifs envers les étrangers. À cet instant, je compris que je ne devais plus me fier aveuglément aux déclarations de l'OGU sur les Humains. Leur accueil chaleureux et souriant, empreint de gentillesse, changeait radicalement ma perception d'eux. Désormais, je devais éliminer toutes les idées préconçues que j'avais sur les Humains et forger ma propre opinion.
Nous embarquâmes dans une sorte de navette qui nous conduisit directement vers ce qu'ils appelaient le Centre. Il s'agissait du lieu du pouvoir, où le Président et ses ministres se réunissaient pour discuter des problèmes et des demandes de leurs concitoyens. J'avais tant de questions à poser, mais je préférais attendre, souhaitant les adresser directement au Président. Je savais que lorsque je retournerai sur Zunonet et devrai rendre compte à l'OGU, personne ne me croirait. C'était désolant. Nous arrivâmes au Centre, et bien que l'excitation me gagnât, je me forçai à garder mon calme. Dès notre atterrissage, le Président et ses ministres se trouvaient devant nous. Nous nous présentâmes devant eux.
— Bienvenue sur notre bonne planète ! me dit le Président en souriant. Vous devez avoir beaucoup de questions, tout comme nous. Alors, venez, allons dans un endroit approprié afin de discuter.
J'acquiesçai, impatient de poser toutes mes questions. Nous nous dirigeâmes vers l'intérieur, pénétrant dans un immense complexe orné de colonnes imposantes. Le Président m'informa que cet édifice avait été érigé par les Anciens Humains, symbolisant le premier pouvoir unifié. C'était là que les dirigeants des anciens gouvernements se réunissaient pour discuter des problèmes mondiaux et de leurs solutions. Le complexe avait été étendu lors de l'Unification. À ce moment-là, je ne comprenais pas grand-chose. Qui étaient ces "Anciens" dont il parlait ? pourquoi parlait-il de "gouvernements anciens" ? et qu'était-ce que "l'Unification" ? bien que perplexe, je pris note de l'importance de ce dernier terme. Après une courte marche, nous atteignîmes une salle magnifique, offrant une vue époustouflante sur la ville. Une grande table ovale en bois finement sculpté trônait au centre de la pièce. Le Président m'invita à m'asseoir en face de lui, et ses ministres ainsi que mon comité d'accueil du service de Renseignement firent de même. Pendant quelques instants, nous restâmes silencieux, puis le Président prit la parole.
— Je vous souhaite à nouveau la bienvenue parmi nous. Nous sommes honorés de votre présence.
— Vous trouverez peut-être cela étrange, mais je ne comprends pas comment vous étiez au courant de ma venue et comment vous…
— Nous ? oh, comment nous sommes au courant de l'existence d'autres espèces que l'Humain dans l'Univers ? et comment nous connaissons l'Organisation de la Galaxie Unie ? dit le Président naturellement.
— Vous connaissez l'OGU ?! m'exclamai-je.
— Vous serez surpris de ce que nous connaissons, monsieur Adifaih Leeh.
La situation devenait de plus en plus étrange. En plus de connaître l'OGU, le Président semblait au fait de mon nom et prénom, bien que je ne les lui aie pas révélés.
— Mais comment connaissez-vous tout cela ?! vous avez des espions ? ou alors, vous n'êtes pas des Humains !
— Haha, non, rien de tout cela ! rit-il. Je pense qu'il serait temps de vous fournir une explication.
— Je pense aussi.
— Nous savons beaucoup de choses. Nous connaissons l'OGU, nous savons qu'il existe un certain nombre d'espèces intelligentes, et nous savons qu'il y a des milliards de milliards de planètes, dont seulement la moitié environ a été découverte, fit-il, marquant une pause. Tout cela, nous le savons grâce à nos Anciens.
— Qui sont les Anciens ? demandai-je.
— Les Anciens sont nos ancêtres, les Humains des siècles passés. Ils ont présenté l'Homme comme une espèce violente et agressive, mais ils possédaient une connaissance approfondie du monde et de l'Univers, ce qui nous surprend toujours lors de nos études. Grâce à ces connaissances, les Anciens ont évolué.
— Vous connaissez l'OGU grâce à vos Anciens ?
— Non, nous connaissons l'OGU grâce à d'autres sources. Mais continuons l'histoire. En 2033 de notre ère, alors que la Terre était en proie à de nombreuses guerres, une espèce venue d'ailleurs est arrivée : les Erlendis. Ils ont choisi la Terre comme foyer et ont été chaleureusement accueillis par nos Anciens. Pendant des années, ces derniers avaient attendu ce moment, espérant un signe prouvant que nous ne sommes pas seuls dans l'Univers. Les Erlendis ont été intégrés à notre société, et monsieur Adifaih Leeh, les Erlendis sont toujours parmi nous aujourd'hui, nous informant de tout cela. Ils font partie de l'OGU depuis longtemps et considèrent leur planète comme discrète et souvent ignorée.
Je perdis encore plus le contrôle de la situation. Tout avait basculé. Je m'attendais à leur apprendre qu'ils n'étaient pas seuls, à leur parler de l'OGU et des nouvelles technologies, mais ils savaient déjà tout. Maintenant, que devais-je faire ? écouter attentivement et poser toutes les questions qui me viendraient à l'esprit.
— J'ai du mal à assimiler tout cela, veuillez me pardonner. Quand on m'a envoyé ici, c'était pour vous annoncer que vous n'étiez pas seuls dans l'Univers. Aujourd'hui, en arrivant, je constate que votre technologie est comparable à celle d'autres espèces de l'OGU. Vous connaissez cette Organisation, vous savez que vous n'êtes pas seuls, et je présume que vous avez encore beaucoup de connaissances. dis-je d'un ton assuré.
— Je comprends que cela puisse vous paraître irréel, mais il y a une explication.
— Quelle est-elle ? parce que, pour être honnête, je ne vois pas d'explication plausible.
— Depuis quand l'OGU ne surveille plus la Terre et ses habitants ? me demanda l'un des Ministres.
— Je ne sais pas, depuis un certain temps, je présume. À vrai dire, j'ignorais même que l'OGU ne vous surveillait plus avant que certains de mes camarades scientifiques ne me le disent.
— La Terre et ses habitants ne sont plus surveillés par l'Organisation depuis le début des années 2000 de notre ère, soit une trentaine d'années terrestres avant l'arrivée des Erlendis. C'est pourquoi l'OGU est restée bloquée sur l'image des Hommes violents et agressifs, expliqua le Ministre.
— Aujourd'hui, l'Homme n'est plus ainsi ? demandai-je.
— Non, il ne l'est plus. Bien sûr, l'arrivée des Erlendis n'a pas mis fin aux guerres. Il a fallu attendre 2126 pour que le peuple se réunisse. L'Unification est notre plus grande fierté, précisa le Président.
— Excusez-moi, mais qu'est-ce que l'Unification ? cela semble vous tenir à cœur, demandai-je.
— Puis-je répondre, monsieur le Président ? demanda l'un des Ministres.
— Bien sûr ! allez-y, acquiesça le Président.
— L'Unification, monsieur Leeh, est la plus grande réussite de nos Anciens. Ils ont réussi à unifier les peuples de la Terre. Il n'y a plus de guerres, le peuple se comprend. L'Unification nous a construits, et aujourd'hui, nous faisons en sorte de maintenir cette paix.
— La paix ? vous dites que la planète est en paix ? mais elle ne l'a jamais été ! m'étonnai-je.
— Aujourd'hui, si. Le jour où l'Homme devint Humain a été le jour de l'Unification et de la paix, répondit le Président.
— En quelle année sommes-nous ici ? demandai-je, peinant à croire ce qu'ils venaient de me révéler.
— 2397.
Je fus sans voix. Le Président venait de m'affirmer que la Terre était en paix depuis 2126, soit plus de trois siècles. C'était incroyable. Jamais aucune espèce n'avait réussi à maintenir la paix sur sa planète. Comment des êtres tels que les Humains avaient-ils pu réaliser cela ? je ne pouvais y croire. Même sur Zunonet, la paix n'existait pas. Les Humains étaient considérés comme sous-développés, jeunes, et parmi les êtres les plus violents de l'Univers connu. Je doutais de chaque mot qu'ils venaient de me dire, et pourtant, cela semblait être la véritable vérité.
— Je ne peux pas croire cela. Cela signifierait que vous êtes en paix depuis plus de trois siècles… Nulle part ailleurs dans l'OGU cela n'est arrivé. Je n'arrive pas à y croire, je suis désolé, déclarai-je.
— Nous savions que vous réagiriez ainsi, monsieur Leeh, c'est pourquoi je vais vous le prouver, me dit le Président avec un large sourire.
Il était tellement souriant, tout comme les autres Humains que j'avais rencontrés. Ils semblaient paisibles et sereins. Je devais me reprendre. J'étais leur invité, et ma réticence ne serait pas la bienvenue. Je devais observer attentivement et poser des questions. Le Président décida de reprendre la conversation lorsque je serais prêt à croire en leurs paroles. Toujours souriant, il me proposa de me faire visiter la ville ce soir-là. Je répondis que j'en serais ravi, et le rendez-vous fut fixé à 20h30 heure locale. Quelqu'un viendrait me chercher à mes quartiers, que j'avais été autorisé à rejoindre. Durant le reste de l'après-midi, je me reposai, puis je retournai dans mon vaisseau. Il était essentiel que je partage toutes ces informations avec Dzêta.
J'étais venu pour une mission, mais tout venait de changer radicalement.
[1] Organisation de la Galaxie Unie
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