Son regard était aussi unique que sa voix, mais il était empli de colère et de chagrin. Aux yeux de ceux qu'elle aimait, elle était devenue invisible. Quel sentiment étrange que celui d'être rejetée. Elle pensait avoir laissé une empreinte suffisamment grande pour ne pas être oubliée, mais elle s'était trompée.
Elle avait beau paraître être l'héroïne de l'histoire, elle était en réalité la vilaine. Le temps avait semblé filer comme le vent jusqu'à ce qu'elle prenne conscience de cette dure vérité. La frontière entre le héros et le vilain pouvait être extrêmement mince. Cette découverte avait été dévastatrice. Dans son esprit, elle était une héroïne, une victime. Pas la vilaine. Son cœur était devenu un néant lorsque cette ligne avait été franchie.
Assise sur un banc, suspendue dans la nuit, perdue dans ses pensées, elle fut surprise et sursauta à cause d'un crissement sur le goudron trempé par la pluie. Elle leva les yeux vers le ciel, dépourvu d'étoiles. Seules les ténèbres et les éclairs étaient présents.
La nuit ne lui apportait que des cauchemars et des angoisses. Elle préférait le soleil, la chaleur, les oiseaux, les fleurs. Elle se rendait souvent à l'orée d'une forêt proche pour observer les papillons butiner délicatement. Elle aimait les considérer comme ses totems, ses protecteurs, si bien qu'elle avait acheté un collier à leur effigie. Elle souhaitait pouvoir s'envoler comme eux, persuadée que la vie serait meilleure ailleurs, loin de tout, loin de ses amis qui l'avaient rejetée, loin de sa famille qui ne l'avait pas acceptée.
Elle avait de grandes ambitions, elle voulait être celle qui changerait le monde, qui rassemblerait les êtres humains. Mais elle avait rapidement déchanté lorsqu'elle avait été mise de côté sans explication, sans mots, sans regard. Elle avait cherché des réponses et les avait trouvées. Elle n'était pas l'héroïne de l'histoire, mais la vilaine.
Elle retrouva doucement ses esprits. C'était ça, être adulte, savoir assumer ses responsabilités. Elle ne serait pas mieux sans eux, mais eux seraient mieux sans elle. Elle ferma les yeux et sentit les gouttes de pluie glisser doucement sur son visage. Peut-être allait-elle commettre une erreur, mais ce serait sa propre erreur.
Elle porta ses mains à son cou et détacha son collier. Le papillon semblait briller légèrement lorsqu'elle s'éloigna du banc où elle l'avait déposé. Dire au revoir était toujours difficile. Disparaître dans la nuit était ce qu'il y avait de pire.
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