Krœnos - Chapitre 14 : Un Regard sur Prean

Après sa confrontation avec l'équipage, Skylar s'était retirée dans ses quartiers, préférant la solitude à la confrontation. Épuisée et vidée, elle s'était assise contre son lit, méditant sur les événements récents. La fatigue l'avait même empêchée de pleurer, et bien que le sang sur ses mains et son visage la démangeait, elle n'avait pas la force de le laver. La robe blanche tachée de rouge serait un rappel constant de cette journée. Une force intérieure l'avait finalement poussée à prendre une douche.

Après près d'une heure sous l'eau, elle était ressortie, vêtue de leggings noirs, de chaussettes épaisses assorties et d'un pull gris ample. L'espace, déjà froid, semblait encore plus glacial maintenant.

Alors qu'elle se rassit par terre, les cheveux encore humides, quelqu'un frappa à sa porte.

— Skylar ? c'est Qidell.

Elle a choisi de ne pas répondre, sentant la colère monter rien qu'en entendant sa voix.

— Je sais que tu ne veux probablement pas me voir ou me parler, ou aucun d'entre nous d'ailleurs. Mais s'il te plaît, laisse-moi entrer juste un moment...

L'émotion dans sa voix trahissait un regret sincère. Skylar hésita, puis se leva péniblement pour lui ouvrir la porte. Qidell sembla surpris par sa réponse mais entra après avoir vu Skylar se rasseoir avec un grognement de fatigue. Il prit place à côté d'elle, établissant un silence tendu avant de le rompre.

— Skylar, à propos de ce qui s'est passé...

— Je n'veux rien entendre, le coupa-t-elle, plus épuisée qu'énervée.

— S'il te plaît, je sais que de simples excuses ne suffiront pas à nous faire pardonner. Ce sont les actions qui comptent pour toi, n'est-ce pas ?

Le regard direct de Qidell montrait une sincérité inhabituelle.

— Oui.

— Je veux vraiment réparer les choses, par tous les moyens, mais je sais que tu as besoin de temps et d'espace. Je comprends.

— Alors pourquoi t'es ici ?

— Tu ne vas pas bien, Skylar. En tant que médecin du vaisseau, c'est mon rôle de veiller au bien-être physique et psychologique de l'équipage. Tu n'as autorisé aucun médecin de l'Amiral à t'examiner. S'il te plaît, laisse-moi le faire. Tu n'auras pas à me parler, je t'assure.

Un silence s'installa. Épuisée, Skylar consentit. Qidell esquissa un sourire, plus comique que compatissant, et l'aida à se lever avec précaution, réalisant à quel point elle était affaiblie. Le silence accompagna leur chemin jusqu'à l'infirmerie. Là, Qidell l'allongea sur une table d'examen, lui administra un sédatif et plaça des capteurs sur sa tête et son cœur, cherchant des informations vitales.

Il resterait à ses côtés aussi longtemps que nécessaire, remplissant son rôle de médecin du vaisseau.

Pendant deux semaines terrestres sur Emere, le Krœnos resta immobile. Chaque membre de l'équipage fut interrogé individuellement. Skylar, partagée entre la colère et la fierté, refusa de parler à quiconque sauf au Docteur, le seul membre de l'équipage qu'elle tolérait.

Lorsque vint enfin le moment de partir, Skylar fut partagée entre le manque de la Terre et la réalisation que l'espace lui avait manqué plus qu'elle ne l'avait pensé. Bien que sa colère se soit apaisée, elle refusa toujours de leur parler par fierté. Qidell l'aida progressivement à se remettre, bien que la plupart du temps, il la fit simplement dormir à l'infirmerie, surveillant ses signes vitaux.

Le Krœnos se lancèrent dans l'exploration de la galaxie sans but précis. Après les événements des dernières semaines, ils avaient décidé de ne pas planifier une exploration précise. Tant que l'humaine ne leur parlait pas, il était difficile d'organiser une sortie spéciale pour elle. Sarek, regrettant d'avoir perdu la confiance de Skylar, se demandait comment se faire pardonner. La réponse de Qidell était simple : le temps et l'espace, mais dans l'espace confiné d'un vaisseau, même aussi grand que celui-ci, cela devenait complexe.

— Je ne pense pas qu'elle nous ait jamais fait confiance, dit Vahrak alors qu'elle et Sarek étaient seuls au poste de Commandement.

— Que veux-tu dire ?

— Je ne sais pas, quelque chose dans son regard et sa façon d'agir envers nous me fait penser qu'elle ne nous faisait pas confiance.

— Elle se doutait de quelque chose même avant d'embarquer. Je ne pense pas avoir été un bon menteur sur ce coup.

— Les choses ne vont pas s'arranger, Sarek. Ça ne fera qu'empirer.

— Non, je ne pense pas.

Sarek regarda Vahrak, qui s'était levée et faisait maintenant face à la grande fenêtre. Le capitaine se leva également et la rejoignit. Ils restèrent là un moment, contemplant le vide de l'espace, lorsque une alarme provenant du poste de communication les ramena à la réalité. Vahrak alla s'asseoir à la console.

— C'est l'Amiral Chennai. Il nous contacte, informa-t-elle.

— Encore ? se demanda-t-il en regardant l'écran.

Le visage déterminé de l'Amiral apparut sur l'écran. Sarek n'avait pas pris place, préférant rester debout.

— Capitaine Sarek, commença-t-il comme introduction, j'ai une mission pour vous.

— Une mission? de quel genre?

— Nous avons perdu le contact avec la station de recherche OLGA sur Prean au cours des deux dernières rotations. Vous et votre équipage veillerez à ce que tout soit en ordre. La dernière fois que nous les avons contactés, ils ont signalé des problèmes de communication.

— Prean est à l'opposé de notre position, Amiral. Et s'il s'agit simplement d'un problème de communication, pourquoi ne pas envoyer un jeune ? je ne pense pas que ce soit une mission pour des vétérans comme nous.

— Pour une fois dans votre vie, Capitaine, vous suivrez mes ordres et irez à Prean. C'est une mission à la fois pour un nouveau capitaine et un vétéran. Le but principal de l'Académie et de ses diplômés est d'explorer, d'assister et de protéger. L'avez-vous oublié ?

L'Amiral marqua une pause. Il savait que ce genre de mission était généralement confié aux moins expérimentés, mais il avait un message à transmettre aux membres du Krœnos, et c'était le moment.

— Vous avez raison, Amiral, répondit Sarek. Nous changeons de cap pour Prean.

— J'attends votre rapport.

Il coupa la communication. Ils avaient agi comme des débutants, ils seraient donc traités comme tels. L'Amiral les traiterait ainsi jusqu'à ce qu'ils méritent à nouveau son respect. Sarek se massa doucement les tempes. Il pensait qu'ils s'en sortiraient facilement, mais ce ne fut pas le cas.

L'Amiral les avait laissés partir sans les arrêter, mais cela ne signifiait pas que tout serait comme avant.

— Que signifie tout ça ? demanda Vahrak en le rejoignant.

— Ça signifie que nous sommes toujours dans une situation délicate.

Sarek soupira et s'assit au poste de Communication.

Skylar était dans ses quartiers, allongée sur son lit, son téléphone portable à la main. Elle profitait des derniers pourcentages de batterie pour regarder ses photos. La Terre lui manquait, même sa famille commençait à lui manquer, mais le pire, c'était ses amis qui lui manquaient. Elle était partie sans un mot, sans dire au revoir. Le silence et le mutisme dans lesquels elle s'était réfugiée ces derniers temps ne lui avaient pas été bénéfiques. Elle regardait une photo d'eux lorsque la voix de Sarek résonna dans le compartiment.

— Attention s'il vous plaît, la station de recherche OLGA basée sur Prean n'émet plus, nous nous y rendons actuellement. Notre mission est simple, nous devons nous assurer que tout va bien là-bas et rétablir les communications dès que possible. Sa position étant opposée à la nôtre, nous voyagerons à la vitesse supraluminique. Compte tenu des risques encourus, je vous ordonne de rejoindre vos postes. Qidell, Skylar, rejoignez la cuisine, leur dit-il, attachez-vous correctement. Personne ne quitte son poste sans y être invité. Sarek, terminé.

La communication fut coupée. Skylar grogna. Elle n'était pas sûre de ce qu'était la vitesse supraluminique, mais cela semblait dangereux. Sans attendre une seconde de plus, elle se leva, enfila son pull gris trop grand et ses chaussettes noires par-dessus, puis sortit en courant de sa cabine. Elle croisa Craarrain et Qidell qui couraient également. Cela faisait plusieurs semaines qu'il n'y avait pas eu autant d'agitation à bord.

Craarrain se dirigea vers le poste de Commandement tandis que Qidell et elle entrèrent dans la cuisine. Il l'aida à s'attacher et s'assit en face d'elle. Elle ne réalisa que maintenant que les ceintures de sécurité étaient insérées dans les sièges. Un silence s'installa. Les vibrations du vaisseau lui étaient si familières. Tout le monde doit être à son poste maintenant, pensa Skylar. Et elle n'avait pas tort. Les vibrations s'intensifiaient, mais de son point de vue, la vitesse n'avait pas changé. Elle jeta un coup d'œil à Qidell, qui ne semblait pas rassuré.

— On a vraiment accéléré ?

— Oui, à mon grand désespoir...

— Voyager à une vitesse supraluminique c'est vraiment si dangereux ?

Qidell prit quelques secondes pour réfléchir. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu de conversation avec elle. Il n'était pas ingénieur, mais il en savait assez pour comprendre le principe de la vitesse supraluminique et ses risques.

— À long terme, oui, ça peut l'être, répondit-il enfin alors que les vibrations s'intensifiaient. Le coeurcœur n'est pas conçu pour supporter le stress pendant très longtemps, le risque d'implosion est très courant, surtout sur les vieux vaisseaux rarement entretenus. Nous le voyons souvent sur les chaînes d'actualités de l'Académie...

— Donc le Krœnos pourrait imploser à tout moment ? demanda Skylar, un peu paniquée.

— Non, non, ne vous inquiétez pas ! le Vaisseau est souvent mis à jour, et nous voyageons rarement à une vitesse supraluminique. Sarek est un bon Capitaine, il ne prendrait pas ce risque.

— Tout comme il ne prendrait pas le risque de vendre un membre de son équipage, hein ? trop de risques que ça tourne mal.

Qidell fixa intensément les yeux de Skylar. Juste quand il pensait que les choses s'amélioraient entre eux, elle trouvait un moyen de le contredire. Baissant les yeux, un lourd silence s'installa à nouveau.

Une heure terrestre s'était écoulée, et il semblait à Skylar que le Vaisseau était sur le point de se diviser en deux. Cependant, les vibrations se calmèrent et le Vaisseau ralentit. Qidell et elle attendaient, car Sarek avait été clair : personne ne quitte son poste sans son approbation.

— Attention s'il vous plaît, résonna la voix du Capitaine. Pour éviter la surchauffe du noyau et l'implosion, nous naviguerons à travers des sauts. Le prochain saut aura lieu dans 30 minutes. Skylar, Ilki vient vous chercher, nous avons besoin de quelqu'un d'autre en tant qu'ingénieur, vous recevrez une formation rapide ; Qidell, tu as 30 minutes pour te dégourdir les jambes. Sarek, terminé.

— Une formation rapide ? répéta Skylar. Je n'suis pas ingénieure, je suis docteure en Anthropologie !

— Maintenant tu l'es, dit Qidell en l'aidant à se détacher.

— Sky, intervint Ilki depuis l'embrasure de la porte. Prête ?

L'humaine hocha la tête et suivit l'ingénieur jusqu'à la salle des machines. C'était la première fois qu'elle s'y rendait, et c'est à ce moment-là qu'une nouvelle passion naquit.

Les heures suivantes furent identiques. Pendant qu'Ilki était dans la salle des machines, Skylar prit la place d'ingénieur au poste de Commandement, supervisé par Sarek. Pour être honnête, cela leur fit à tous du bien, y compris à Skylar. Être occupé les empêchèrent de ressasser les événements des dernières semaines.

Lorsqu'ils arrivèrent sur Prean, ils réalisèrent trop tard que ce qui n'était qu'une mission de routine allait se révéler beaucoup plus compliquée.

La station de recherche OLGA avait pour seul but d'explorer minutieusement la planète. Ce n'était ni une station de défense ni une station d'attaque, il n'y avait donc que des scientifiques et quelques gardes chargés de maintenir l'ordre à bord.

Prean était une petite planète terrestre similaire à la Terre, avec la même gravité et des paysages similaires. Le Krœnos pénétra dans l'atmosphère. La station n'était pas en orbite, mais sur la planète, elle semblait se fondre dans l'environnement, bien que ce ne fût pas le cas.

Ils n'ont pas pu établir de communication, mais la station leur a permis d'atterrir. Elle n'était pas très grande, juste assez pour explorer une planète.

Alors que le vaisseau spatial commençait sa phase d'atterrissage, Skylar, toujours à son poste d'Ingénieur, commença à ressentir un mauvais pressentiment. Elle regarda par la grande fenêtre : personne n'était dehors pour les accueillir, personne n'était dehors du tout... Un étrange sentiment de peur lui fit dresser les poils sur la nuque. Quelque chose n'allait pas. C'était trop calme.

Les vibrations familières du Vaisseau spatial s'arrêtant brusquement l'ont tirée de ses pensées.

— D'accord, commença Sarek en se levant, préparez-vous, nous sortons.

— Je reste dans le Vaisseau, dit Skylar en se levant également. Je n'veux pas sortir.

Un silence. Sarek attendit que les autres quittent le poste de Commandement avant de lui répondre.

— Je sais que vous nous en voulez encore, mais vous ne pouvez pas continuer à nous éviter comme ça.

— Cette fois, c'n'est pas à cause de vous, c'est juste... quelque chose ne va pas avec cette station, je n'veux pas y aller.

— Ne serait-ce pas de la paranoïa ?

— Je n'suis pas folle, je vous préviens, il y a quelque chose qui cloche.

— D'accord, d'accord... Restez ici si vous voulez, concéda Sarek.

Le Capitaine se retourna et s'apprêtait à partir quand Skylar intervint.

— Sarek... faites attention là-bas.

Il acquiesça et sortit pour rejoindre les autres. Seule Skylar avait choisi de rester à bord. Son intuition à propos du Marché ne l'avait pas trompée, pourquoi le ferait-elle maintenant ?

Toujours assise au poste de l'Ingénieur, elle les vit se diriger vers l'entrée de la station quelques minutes après leur départ, mais toujours personne en vue. Elle ne pouvait pas être la seule à ressentir que quelque chose n'allait pas, n'est-ce pas ?

Environ dix minutes terrestre s'écoulèrent lorsque des mouvements dehors attirèrent son attention. Un groupe de quatre personnes, armées jusqu'aux dents, venait de sortir de la station. Ils se dirigeaient vers le Vaisseau. De peur, Skylar se recroquevilla, même si d'ici, il était impossible pour eux de la voir.

— Ordinateur, chuchota-t-elle, il se passe quoi ? ces gens sont armées !

— Il semble que la station ait été prise en otage par des pirates.

— Des pirates ?! pourquoi on n'a rien vu lorsqu'on a atterri ?

— Ils ont dû se cacher à la vue du Vaisseau.

— Sarek, l'équipage et tout le monde sont piégés !

— Tout le monde, sauf vous.

Silence. L'Ordinateur avait raison, du moins à première vue, elle devait être la seule à ne pas être retenue prisonnière. Elle n'avait pas d'autre choix que d'essayer de les aider. Mais elle n'était pas formée pour ça...

— Je fais quoi ? chuchota-t-elle, toujours cachée derrière l'une des stations.

— Vous allez devoir vous armer et tuer les pirates.

— Tuer ? pas question.

Elle avait déjà tué suffisamment de personnes de cette manière...

— Je n'peux pas faire ça, je n'peux pas...

— Alors libérez le Capitaine. Si vous pouvez faire ça, vous pourrez vous en sortir, lui indiqua l'Ordinateur.

— D'accord, je n'pense pas avoir le choix...

— Je vais vous guider. Prennez une oreillette pour que nous puissions communiquer, ordonna-t-il, pendant qu'elle en prenait une au poste de communication. Soyez prudente. Les pirates s'apprêtent à entrer dans le bâtiment. Sortez et descendez à l'armurerie. Vous devrez être rapide.

Skylar se leva discrètement et quitta le poste de Commandement aussi rapidement qu'elle le put. Elle se précipita vers l'armurerie et s'arma d'un blaster, comme l'avait recommandé l'Ordinateur. Les pirates se trouvaient du côté opposé de sa position, l'ordinateur avait verrouillé toutes les portes sauf celle de la cuisine.

— AttendEZ mon signal pour sortir. Êtes-vous prête à courir ?

— Je suis en chaussettes... balbutia-t-elle péniblement.

— Je les enfermerai dans la cuisine, dit-il, ignorant sa réponse.

— Comment tu sais qu'ils iront là-bas ?

— Parce que c'est la seule pièce ouverte.

L'Ordinateur avait raison. Quelques secondes plus tard, les pirates entrèrent enfin dans la cuisine. L'Ordinateur ordonna à Skylar de courir. À première vue, personne ne gardait la porte, mais il était trop dangereux d'entrer par l'entrée principale. L'Ordinateur avait eu le temps d'explorer le plan de la station, et il lui ferait entrer par une autre entrée. Il ne pouvait pas faire mieux. Une fois à l'intérieur, ce serait à elle de s'occuper du reste.

Skylar se précipita vers la sortie du Vaisseau aussi vite qu'elle le pouvait, mais en chaussettes, elle glissait plus qu'elle n'avançait. Quant aux pirates, ils tambourinaient sur la porte dans l'espoir qu'elle cède.

— Cette maudite porte ! s'écria l'un d'eux.

— Il y a encore quelqu'un sur le Vaisseau !

— Comment tu l'sais ?! s'exclama un autre.

— Pourquoi tu crois qu'on est enfermés ?!

Pendant leur dispute, Skylar sortit silencieusement du Vaisseau.

— T'es là ? demanda-t-elle en touchant son oreillette.

— Je suis là. La porte ne tiendra pas longtemps, ils savent qu'il y a encore quelqu'un sur le Vaisseau, vous devez vous dépêcher et entrer dans la station.

— D'accord...

— Contournez le bâtiment devant vous, évitez les caméras s'il y en a.

Skylar avança, tenant fermement son arme. D'où elle était, elle pouvait voir des caméras, mais aucune ne bougeait ou ne montrait de signe de fonctionnement.

— Tu n'vois pas ce que je vois, n'est-ce pas ?

— En dehors du Vaisseau, non.

— Les caméras sont éteintes.

L'Ordinateur prit note de ces informations et guida Skylar vers l'entrée secondaire de la station. Elle se montrait discrète, mais ses tremblements ne l'aideraient pas à bien viser en cas d'attaque.

L'intérieur de la station était lumineux et bien éclairé. Les murs blancs lisses étaient bordés de motifs floraux en or. Les couloirs étaient larges et propres, ne laissant aucun indice qu'il s'agissait d'une station de recherche, encore moins qu'elle était aux prises avec des pirates.

L'Ordinateur la guida de couloir en couloir, leur objectif étant d'atteindre la salle de surveillance. Elle n'avait pas encore rencontré de pirates.

Skylar réussit, non sans difficulté, à remettre les caméras en marche. Elle réalisa rapidement que les pirates étaient plus nombreux que ce qu'elle espérait. Quelques-uns patrouillaient dans les couloirs vides, mais la plupart se trouvaient dans la salle de contrôle de la station. Quelques prisonniers étaient également là, mais le reste de l'équipage ne s'y trouvait pas. Ce n'est qu'après quelques secondes qu'elle les vit enfin, ils avaient été rassemblés dans la cafétéria. Skylar en compta moins d'une douzaine de Pirates, ce qui était déjà trop pour elle. Pourtant, elle devait les libérer. Elle trouverait un plan en cours de route, car un groupe de pirates allait bientôt la trouver. Elle détruisit la station de surveillance avant de courir vers la cafétéria, toujours guidée par l'Ordinateur de bord.

À quelques mètres de la cafétéria, elle ralentit son rythme et essaya de respirer le plus discrètement possible. Elle tenait fermement son arme dans sa main et s'approcha du chambranle de la porte. Les otages étaient assis à l'arrière, contre un mur, avec les pirates pointant occasionnellement leurs armes sur eux. Personne ne l'avait vue ni entendue. Elle essaya de localiser Sarek. Lui aussi était assis. Elle pouvait presque sentir sa colère d'être pris comme un débutant. Il sembla croiser brièvement son regard mais ne lui prêta pas attention au début. Puis, lorsqu'il réalisa qu'il ne rêvait pas, il ne put se contenir.

— Skylar... murmura-t-il en regardant dans sa direction.

— T'as dit quoi ? répondit précipitamment un pirate.

— Rien.

Mais sa réponse n'était pas convaincante, et alors que le pirate essayait de jeter un coup d'œil vers Skylar, elle se cacha rapidement.

— Que veulent les pirates avec Prean ? demanda Sarek pour attirer l'attention. Hé !

— Un avant-poste si loin de Siirus et si mal gardé est un trésor pour nous, et il y en a d'autres semblables éparpillés dans toute la galaxie, ricana-t-il.

— Ta gueule ! intervint un deuxième pirate, lui tapant sur l'épaule. Tu n'vois pas que ce type veut que tu parles !

Et le silence tomba. Pendant ce temps, Skylar réfléchissait mais semblait incapable de trouver une solution à son problème. Elle était seule face à une douzaine d'ennemis ; elle pouvait en abattre un, peut-être deux, mais pas plus. Quelques secondes passèrent lorsque les pirates dans la pièce devinrent agités.

— Il reste encore une personne en liberté ! s'exclama l'un de ceux qui avaient été piégés dans le Vaisseau par le biais de son communicateur. Elle se promène quelque part dans le complexe ! trouvez-la et amenez-la moi !

Skylar eut à peine le temps de se cacher dans le couloir adjacent avant que la plupart des pirates ne quittent la cafétéria en courant. Ils partirent vers la droite, mais aucun ne passa à côté d'elle. Après un court instant, elle regarda le nombre restant. Deux. Seuls deux pirates restaient. Si elle voulait libérer les otages, c'était le moment. Elle devait agir avant le retour des autres.

Elle prit une grande inspiration, essuya ses mains moites et serra fermement son arme. Si elle pouvait éviter de les tuer... Elle jeta un coup d'œil ; ils avaient le dos tourné. Elle s'approcha d'eux dans le plus grand silence. Les otages et l'équipage réalisèrent rapidement ce qu'elle avait l'intention de faire, mais personne ne l'arrêterait. En moins d'une seconde, elle les abattit et ils tombèrent en arrière. Ils n'étaient pas morts, mais ce serait suffisant pour l'instant.

— Skylar ! s'exclama Sarek et les autres en se levant.

— Chut ! ils n'doivent pas être loin ! répondit-elle, dénouant un à un ses coéquipiers.

— Je suggère que nous écoutions plus souvent l'humaine, déclara Vahrak en se massant les poignets.

— C'est vrai, concéda Sarek. Je suis désolé de ne pas vous avoir écoutée.

— C'est bon, vous êtes tous en sécurité, c'est ce qui compte.

Un silence s'abattit sur le groupe. Le personnel, les scientifiques et les gardes essayaient de rester silencieux, mais la panique commençait à s'installer. Ils s'étaient rassemblés derrière l'équipage. Vahrak et Craarrain prirent les armes des pirates, les attachèrent et les bâillonnèrent, puis montèrent la garde en attendant de trouver un plan.

— Quel est le plan maintenant ? demanda-t-elle.

— D'abord, je vais prendre cette arme. Vous en avez assez fait, c'est à notre tour maintenant, déclara Sarek en prenant l'arme de Skylar.

— Comment avez-vous réussi à aller si loin sans te faire attraper ? demanda Grige.

— Difficilement, mais surtout grâce à l'Ordinateur. Il m'a guidée, répondit-elle en se touchant l'oreille.

— Bravo.

— Pas le temps de discuter, intervint Sarek. Avez-vous pu voir combien ils sont?

— Environ vingt au total. La majorité est dans la salle de contrôle. Mais maintenant qu'ils savent qu'ils n'ont pas capturé tout le monde, ils doivent être dispersés dans toute la station.

Sarek prit un moment pour réfléchir. Ils n'avaient pas beaucoup de temps pour agir. Ils devaient se débarrasser de ces pirates. Il savait que l'Amiral serait surpris d'apprendre ce qui s'était passé ici. Après cet incident, la sécurité devrait être considérablement renforcée sur les stations les plus éloignées. L'activité des pirates et des contrebandiers s'intensifiait de jour en jour.

D'abord, libérer la station, ils s'occuperaient du reste plus tard.

— Nous avons surtout besoin d'armes, dit-il enfin, s'adressant aux Gardes. Mon équipage peut s'occuper de ces pirates, mais pas sans armes.

— Il y en a dans la salle des Gardes, pas beaucoup, mais...

— Ce sera suffisant, coupa Sarek. Est-ce loin d'ici ?

— Dans le couloir de gauche.

— Parfait. Vahrak, Craarrain, vous et les Gardes allez chercher les armes. Je monterai la garde ici. Ne prenez pas trop de temps.

Ils acquiescèrent et se dirigèrent immédiatement vers cet endroit, suivis par les trois gardes présents ici. Quelques minutes passèrent avant que le groupe ne revienne avec des armes dans les bras.

— Nous en avons croisé deux en chemin, d'autres viendront, informa Vahrak.

Sarek prit note de l'information tout en prenant une arme qu'on lui tendait.

— Seuls ceux qui savent se servir d'une arme en prend une, ordonna-t-il.

Tandis que le personnel et les scientifiques restaient en arrière, Ilki, Grige et même Qidell en prirent une.

Skylar regarda l'arme offerte par un Garde. Elle prit un moment pour réfléchir avant de la prendre. Sarek et les autres lui lancèrent un regard, mais elle choisit de l'ignorer. Ils avaient une mission à accomplir.

Sarek prit la tête de l'escouade improvisée. Ceux qui ne savaient pas se servir d'une arme s'étaient cachés dans une pièce éloignée du réfectoire, tandis que les autres le suivaient en silence. Ils n'avaient pas vraiment de plan, mais ils devaient libérer les otages coûte que coûte.

Armé de simples pistolets, le petit groupe avança lentement à travers la station. Ils n'avaient croisé aucun autre pirate, ce qui signifiait qu'ils s'étaient probablement tous rassemblés au même endroit.

Mais à quelques couloirs de la salle, la confrontation eut lieu de manière inattendue. Les Pirates sortirent de l'ombre, armés jusqu'aux dents. Des coups de feu éclatèrent, des flashes lumineux déchirant l'obscurité. Les balles sifflaient dans l'air et les échos des armes résonnaient dans les couloirs.

Sarek était un tourbillon de mouvement, visant avec précision et neutralisant les Pirates avec des tirs bien placés. Vahrak manœuvrait avec habileté, couvrant ses coéquipiers de tirs de suppression. Craarrain avançait avec une détermination féroce, déversant des rafales sur les Pirates. Ilki et Grige coordonnaient, éliminant les menaces de chaque côté.

Skylar et Qidell, quant à eux, restaient en retrait, offrant un soutien précieux avec des tirs précis pour Qidell, et légèrement moins pour Skylar. Les Gardes assuraient la couverture, tirant avec une efficacité militaire, créant de l'espace pour le reste du groupe.

Chaque membre du Krœnos était une pièce essentielle de cette opération. Leur formation serrée et leur communication silencieuse étaient leur force. Les Pirates, pris par surprise par la résistance inattendue, essayaient désespérément de riposter.

Les tirs semblaient se poursuivre sans fin. Les Pirates n'étaient pas en manque d'effectifs, mais l'équipe de Krœnos était coordonnée et déterminée. Le bruit des armes à énergie résonnait dans les couloirs, se mêlant aux ordres brefs de Sarek.

Soudain, un pirate visa et tira sur Skylar. Elle l'avait vu avant que le coup ne l'atteigne. Prise au dépourvu, elle essaya d'esquiver mais glissa à cause de ses chaussettes, réussissant de justesse à éviter le coup. Sarek réagit rapidement et abattit le pirate qui avait tiré sur Skylar. Ce combat devait prendre fin, et maintenant. Il ne restait plus beaucoup de pirates.

Alerte, Sarek rejoignit rapidement Skylar qui se relevait. Le coup avait à peine manqué sa cible, mais ils n'avaient pas le luxe de laisser les pirates reprendre leurs positions. Le groupe se réorganisa, désormais à découvert dans un espace ouvert, et se prépara pour l'assaut final.

Un lourd silence enveloppa la zone. Les membres du Krœnos se tenaient debout, respirant rapidement, leurs armes fumantes. La station était enfin libérée de l'emprise des Pirates. Les scientifiques et le personnel, encore secoués mais désormais en sécurité, émergèrent de leurs cachettes.

Sarek jeta un coup d'œil à Skylar.

— Bien joué, dit-il, alors qu'elle répondait par un sourire fatigué mais sincère.

Ils sécurisèrent la station, désamorçant les pièges laissés par les Pirates et veillant à ce qu'aucun recoin ne soit négligé. La mission fut un succès, mais les membres du Krœnos étaient épuisés, tant physiquement que mentalement. Une fois certains que tout était réglé, ils dirent au revoir à l'équipe stationnée sur la station, promettant de contacter l'Amiral une fois dans l'espace, et embarquèrent enfin sur le Vaisseau.

Ce qui était censé être une tâche routinière simple s'était transformé en une aventure beaucoup plus complexe. Sans l'intuition aiguisée de Skylar et l'ingéniosité de l'Ordinateur de bord, la situation aurait pu rapidement dégénérer.

Sarek se prépara à rédiger son rapport pour l'Amiral, conscient de la nécessité d'améliorer la sécurité des avant-postes et des stations. Ils étaient devenus des cibles trop faciles pour les pirates errant dans la galaxie. Les changements au fil des siècles ne semblaient pas tous positifs.

De retour au poste de commandement, y compris Skylar, il était temps de contacter l'Amiral. Mais avant de le faire, Sarek se tourna vers Skylar.

— Skylar, je pense que nous vous devons plus qu'une simple excuse. Entre ce qui s'est passé ces dernières semaines et aujourd'hui... Vous ne méritez pas tout ça.

— Sarek a raison, intervint Vahrak.

Un léger sourire apparut sur le visage de Skylar. Les dernières semaines n'avaient pas été faciles pour tout le monde, elle commençait à réaliser que ce n'était pas seulement elle qui avait souffert. Elle avait de nombreuses raisons d'être en colère et de nourrir du ressentiment envers eux, mais si elle voulait avancer avec eux, elle devait faire un pas vers eux, tout comme ils l'avaient fait envers elle.

— C'est bon, vraiment. J'ai fait ce qui devait être fait pour vous sauver, et je le referais sans hésiter.

— Skylar... insista Sarek.

— Non, vraiment, ça va, j'vous assure. Ce que nous avons fait aujourd'hui avait du sens. Ça fait également partie de notre mission.

Grige, visiblement préoccupé, demanda :

— Et pour ce que nous vous avons fait ?

Skylar prit un moment pour réfléchir. Elle ne pouvait pas leur accorder son pardon immédiatement, mais elle se sentait prête à faire un pas vers eux. Elle faisait désormais partie de l'équipage, et pour avancer, elle devait essayer d'accepter ce qui s'était passé.

— J'aurai besoin de plus de temps pour digérer tout ça, même si je commence à comprendre ce qui vous a poussés à agir ainsi. C'était maladroit de votre part, mais je commence à comprendre. Je pense que nous devons apprendre à vivre ensemble. Et pour commencer, je vous suggère de me tutoyer.

Ses dernières paroles sonnaient comme une assurance que tout irait bien, ce qui signifiait qu'elle le disait sincèrement. Chacun d'eux acquiesça en silence, conscients que la compréhension mutuelle ne viendrait pas du jour au lendemain. Ils savaient que la communication fluide prendrait du temps, mais ils étaient déterminés à former un véritable équipage.

Sarek la regarda, comprenant que sauver leurs vies constituait une première étape significative vers la réconciliation.