Skylar et Cavah avaient décollé il y a deux heures terrestres. Le Capitaine avait installé le nouvel arrivant dans l'un des quartiers encore disponibles, bien que la plupart l'étaient à présent. Elle n'avait pas eu le cœur de céder l'un de ceux qui avaient appartenu à ses anciens compagnons. Les quartiers de Cavah se trouvaient à l'opposé des siens, c'était la seule information qu'il avait retenue, en plus du fait qu'ils étaient les plus éloignés du poste de Commande. Le vaisseau de Skylar était une véritable merveille comparé au sien. Jamais il n'avait vu quelque chose d'aussi splendide et spacieux, bien que le vide qui y régné soit presque décevants.
Une fois que Cavah eut terminé de s'installer, il se dirigea vers la cuisine pour ranger ses propres provisions avant de se rendre au poste de Commande. Lorsqu'il y entra, il trouva Skylar au poste de Pilotage et décida de s'installer au poste de Navigation, à proximité d'elle. C'était étrange d'être à bord d'un vaisseau qui n'était pas le sien et de partager l'espace avec quelqu'un d'autre. Skylar ressentait la même chose. Après avoir passé tant de temps seule dans ce vaste vaisseau, elle avait du mal à s'habituer à la présence d'un passager réel, et non d'un fantôme. Peut-être que c'était là sa prochaine étape : transporter des passagers là où ils souhaitaient aller. Mais cette option était hors de question car elle était maintenant employée par l'Académie. Ce vaisseau et ces crédits appartenaient à l'Académie, ce qui signifiait qu'elle devrait revenir à ses missions d'exploration.
Skylar s'étira avant de fixer le vide devant elle, à travers la large fenêtre offrant une vue magnifique sur l'espace. Ils étaient en route vers la célèbre Lune de Zars, Zetania, là où Cavah n'était plus autorisé à se rendre. Elle jeta un coup d'œil à Cavah au poste de Navigation à sa droite. Il ajustait les derniers paramètres de vol. Grâce aux calculs de Spirit, le meilleur itinéraire avait été établi. Cavah introduisait actuellement ces informations dans le système de navigation. Elle enclencha le pilotage automatique, sachant que si une alerte survenait, Spirit les alerterait.
— Combien de temps avant d'atteindre Zetania ?
— Quelques jours selon le calcul effectué par l'ordinateur.
— Très bien.
Un silence s'ensuivit.
— Vous avez activé le pilotage automatique ? questionna Cavah.
— Oui, le trajet est déjà programmé. Vous pouvez vaquer à vos occupations en attendant. Moi, je vais dans la salle des Machines, dit-elle en se levant.
— Je vais rester ici un moment, si cela ne vous dérange pas.
— Non, pas du tout.
Skylar quitta alors le poste de Commande. De retour dans ses quartiers, elle se changea. Après avoir passé trop de temps en talons, elle opta pour un simple legging et une chemise à carreaux, le tout accompagné de grosses chaussettes. Elle comptait passer un moment dans la salle des Machines pour s'assurer que le cœur du vaisseau fonctionnait correctement.
Pendant que Skylar s'affairait dans la salle des Machines, Cavah vérifia la plupart des postes de la salle de Commande. La navigation était en ordre et parfaitement tracée, le pilotage était en mode automatique, et le poste de Communication ne signalait aucune communication en attente. Quant à l'ingénierie, Skylar s'en chargeait elle-même dans la salle des Machines. Tout semblait fonctionner à merveille.
Il se leva et s'assit à la place du Capitaine, bien qu'il sache qu'il n'en avait pas la permission. Cavah observa les différents postes en face de lui. Il avait une vue dégagée sur les quatre autres postes ainsi que sur la grande fenêtre offrant une vue panoramique sur l'espace. Les pensées se bousculèrent dans son esprit. Ce vaisseau nécessitait au moins deux pilotes, un navigateur, un responsable des communications et quelques ingénieurs, en plus du Capitaine et probablement d'un médecin. Et pourtant, elle était seule depuis combien de temps exactement ? après un long moment de silence, Cavah se décida enfin à parler.
— Ordinateur.
— Spirit.
— Pardon ? s'étonna Cavah.
— Mon nom est Spirit.
— Tu es juste un ordinateur.
— Je m'appelle Spirit, répéta Spirit avec un soupçon d'agacement.
— Qui t'a donné ce nom ?
— Capitaine Hogan.
— Évidemment. Les humains sont capables de développer des liens émotionnels avec tout. Spirit.
— Oui ?
— Depuis combien de temps le Capitaine voyage-t-elle seule ?
— Six mois.
— Et ça correspond à combien de temps taunais ?
— 53 casti.
Un silence s'installa.
— As-tu des connaissances en psychologie humaine ? peuvent-ils supporter la solitude pendant de longues périodes ?
— Le Glossaire indique que non, qu'un humain prospère dans un environnement social où il se sent en sécurité. Les interactions avec d'autres individus, qu'ils soient de leur espèce ou non, semblent être essentielles.
Nouveau silence. L'ordinateur de bord, ou Spirit, affirmait donc qu'un humain avait besoin de contact avec d'autres, et dans le cas de la Capitaine du Krœnos, cela faisait a priori un moment qu'elle n'avait pas était dans un tel environnement. Cavah ne connaissait pas grand-chose à la psychologie humaine, mais il était désormais conscient qu'il devrait garder un œil attentif sur elle.
— Spirit, état mental de la Capitaine.
— Ne réponds pas, Spirit.
— Compris, Capitaine.
Cavah se leva du siège précipitamment et jeta un regard en arrière. Malgré sa taille de 1,60 m, elle émanait une aura étonnamment intimidante. Le Sretra venait de réaliser qu'il avait commis une grave erreur. D'abord, s'asseoir à la place du Capitaine, puis poser des questions personnelles à son sujet. Mais s'ils allaient collaborer, il devait savoir si elle était apte à mener cette mission.
— Capitaine.
— Pourquoi mon état mental vous intéresse-t-il ? demanda-t-elle en se rassoyant sur son siège.
— Si nous devons…
— C'était une question rhétorique, j'n'attendais pas de réponse, le coupa-t-elle.
Pas une seule fois elle n'avait élevé la voix.
— Que lui avez-vous demandé d'autre ?
— Rien.
— Inutile de mentir. J'peux très bien le lui demander, mais j'aimerais mieux que vous me le disiez vous-même.
— D'accord. Je voulais savoir depuis combien de temps vous voyagez seule à bord de ce vaisseau.
— Six mois. Je suis sûre qu'il vous a déjà dit combien de jours taunais ça représente, n'est-ce pas ?
— Tout à fait.
— Parfait. Maintenant que l'on est sur la même longueur d'onde, je pense que vous pouvez partir.
Cavah la fixa quelques instants, puis se leva pour quitter la pièce. Mais, juste avant de sortir, elle reprit la parole :
— Je sais que vous n'appréciez pas spécialement cette situation, Cavah, mais j'ai besoin de votre aide. Pour avancer, il faut que vous me fassiez confiance.
Il fit volte-face et s'avança vers elle.
— Comme je vous l'ai dit, une dette reste une dette, Capitaine, et celle-ci n'est qu'un défi de plus. Je vous fais confiance, mais je veux m'assurer que vous êtes prête pour ce qui va suivre.
— Je le suis, affirma-t-elle.
— Parfait. Alors, je vous laisse.
Cavah sortit sans attendre. Il avait affirmé qu'il avait confiance en elle, mais il était évident qu'elle ne se portait pas bien. Perdre son équipage et son Capitaine pouvait être dévastateur, mais se retrouver soudainement seule à bord d'un vaisseau immense, c'était probablement le pire scénario pour un être humain. Il devait la surveiller de près, sinon ils risquaient tous les deux de se retrouver en danger.
— Spirit ? appela Cavah en retournant dans ses quartiers. Analyse psychologique du Capitaine.
— Instable.
— Développe.
— Hallucinations, anxiété, paranoïa.
— Quelles en sont les causes ?
— Perte de l'équipage. Syndrome du survivant.
— Surveillance constante. En cas d'urgence, avertis-moi.
Un silence suivit, Spirit semblait réfléchir.
— Demande acceptée, finit-il par dire.
Le sommeil était une pratique commune, même pour les Sretras, bien que les durées et les méthodes variaient. Cavah dormait en moyenne 10 heures par nuit, et ses quartiers avaient été ajustés en conséquence. Spirit avait pour tâche de le réveiller une fois le temps écoulé ou en cas d'urgence. Cependant, en cas de besoin, Cavah était capable de rester éveillé pendant trois jours consécutifs. Cette capacité était un trait développé au début de l'évolution de son espèce.
Lorsque Spirit le réveilla de sa première nuit à bord du vaisseau, Cavah se leva, se lava et s'habilla. La mode des Sretras divergeait beaucoup de celle des humains et surtout de celle du Capitaine. Ensuite, il se dirigea vers la cuisine pour prendre un repas tranquille. En montant vers la salle de Commande, il ne fut pas surpris de trouver le Capitaine installé au poste de Pilotage. Elle portait une jupe noire, des collants opaques, une chemise blanche avec des motifs et ses incontournables bottines à talon noir. Ce qui le surprit le plus, en réalité, était le curieux enregistrement en cours sur l'écran du poste de Communication.
— Comment s'est passée votre première nuit ? demanda Skylar, les yeux toujours rivés sur l'écran, alors qu'il prenait place au poste de Navigation.
— Parfaite, étonnamment meilleure que sur mon propre vaisseau.
— C'est l'avantage des vaisseaux de l'Académie. C'est exactement ce que j'ai dit à Sarek, mais pour ma part, j'n'avais jamais dormi à bord d'un vaisseau spatial avant.
Skylar n'avait pas détourné le regard de l'écran, concentrée sur son travail. Cavah était quelque peu étonné de l'entendre parler de son ancien Capitaine aussi librement.
— Et vous ? votre nuit s'est bien passée ? demanda-t-il à son tour, cherchant à entamer une conversation.
— J'n'ai pas dormi.
— Votre espèce n'a pas besoin de dormir ?
— Oh si, bien sûr, mais j'n'ai tout simplement pas réussi à m'endormir.
— Pour quelle raison ?
Mais elle resta silencieuse, son attention toujours fixée sur l'écran, tout en grignotant un morceau de gâteau. Cavah pensa alors à l'enregistrement qui continuait en arrière-plan. Si elle ne souhaitait pas répondre à sa question, autant en poser une autre.
— Qu'est-ce que c'est que cet enregistrement ?
Skylar se tourna brièvement vers Cavah, puis elle observa la série qui défilait en arrière-plan sur l'écran du poste de communication.
— Ça ? c'n'est pas un enregistrement au sens propre, c'est c'qu'on appelle sur ma planète une "série".
— À quoi ça sert ?
— C'est pour se divertir, passer le temps, vous voyez ?
— Je ne crois pas comprendre exactement ce que c'est.
— Vous n'avez rien de similaire chez vous ?
— Non.
— Comment vous divertissez-vous alors ?
— Se divertir ? nous avons des Snags.
— Snags ? qu'est-ce que c'est ?
Mais Cavah n'eut pas l'occasion de répondre, car le vaisseau s'arrêta brusquement, les forçant à se rattraper à leurs postes respectifs pour éviter de tomber.
— Spirit ?! s'exclama Skylar en s'agitant sur son poste, tout comme Cavah. Il se passe quoi ?! pourquoi tu as arrêté le vaisseau ?!
— Je suis désolé, Capitaine, mais je n'avais pas d'autre choix.
— Que se passe-t-il ? répéta Cavah en scrutant son écran.
— La planète mère a mis à jour la carte de la Galaxie, je viens tout juste de la télécharger.
— Et ?! pourquoi on est arrêté ?!
— Nous sommes en plein territoire d'un groupe de pirates connus sous le nom des "Pirates de la Mer Noire".
— Affiche la carte, ordonna Skylar.
Spirit obéit instantanément. La carte du secteur où le vaisseau s'était arrêté s'afficha sur l'écran de navigation. Skylar et Cavah examinèrent les détails de la carte, constatant l'étendue du territoire des pirates.
— L'Académie a émis un avertissement à tous les vaisseaux se dirigeant vers les zones en rouge, et nous nous trouvons dans l'une de ces zones.
— Merde, murmura-t-elle.
— Que faisons-nous, Capitaine ? demanda Cavah en se tournant vers elle.
— On est au cœur de leur territoire. Si nous faisons demi-tour pour les contourner, on perdra trop de temps. Les pirates sillonnent l'espace, mais ils ont besoin d'une base.
— Comment ça ?
— Spirit, active le protocole hors frontières.
— À vos ordres.
— Attendez, Capitaine ?
— Le protocole hors frontières. On l'utilise uniquement en cas de danger dans un territoire ennemi. Ça rend notre vaisseau aussi invisible que possible pour les radars environnants, expliqua Skylar.
Lorsqu'elle donna l'ordre, toutes les lumières du vaisseau s'éteignirent soudainement, le cœur du vaisseau cessa de battre, et tous les systèmes non essentiels s'éteignirent. Ils étaient désormais immobiles dans l'obscurité, presque invisibles aux détecteurs. Seuls le poste de Commande et les systèmes de survie fonctionnaient encore.
— Cavah, localisez les planètes les plus proches, s'il vous plaît, dit-elle en se penchant pour regarder par-dessus son épaule.
Cavah obéit, affichant les informations sur les écrans. Après tout, Skylar était la Capitaine de ce vaisseau, et elle se débrouillait remarquablement bien. Il afficha les données des planètes à proximité sur l'écran.
— J'en ai trouvé seize.
— Combien d'entre elles pourraient potentiellement abriter la vie ?
— Six.
— Isolez-les.
Cavah exécuta l'ordre et mit en évidence les six planètes possiblement habitables sur la carte.
— Pourquoi nous intéressent-elles ?
— En résumé, sur ma planète, dans les temps "anciens", il y avait des pirates qui parcouraient les mers à la recherche de navires riches à piller. Ils avaient besoin d'une cachette pour stocker leur butin, souvent une île. Ici, les pirates se font appeler les "Pirates de la Mer Noire", en référence à l'espace. Ils sillonnent l'espace pour piller les vaisseaux, mais comme mes pirates, ils ont besoin d'une base pour stocker leurs prises, ou tout simplement pour servir de quartier général.
— Compris, je crois.
— Parfait, maintenant trouvez-moi le chemin le plus court pour sortir d'ici, poursuivit-elle.
Pendant que Cavah s'occupait de chercher le chemin le plus court pour quitter le territoire pirate, Skylar gérait les autres postes. Peut-être avait-elle activé le protocole hors frontières à temps, peut-être pas. Peut-être qu'un ou plusieurs vaisseaux pirates se dirigeaient déjà vers eux.
— Spirit, l'interrogea-t-elle tout en jonglant entre les postes, tu détectes quelque chose sur les radars ?
— Rien, Capitaine.
— T'en es sûr ?
— À première vue, nous n'avons pas été repérés.
— Pas encore...
— Capitaine ? intervint à son tour Cavah.
Skylar se rapprocha de Cavah, et il afficha trois options de routes possibles que le Krœnos pourrait emprunter pour sortir de cette situation délicate.
— J'ai trois choix, reprit-il, deux nous feront passer près de deux planètes possiblement habitables, et la troisième passe à côté d'une seule planète, mais c'est celle qui nous rapproche le plus d'une éventuelle planète habitable.
— Assez près pour être repérés ?
— C'est risqué.
Skylar analysa les trois options, chacune présentait ses avantages et inconvénients. Mais toutes comportaient également le risque d'être repérés, particulièrement la troisième. Il n'y avait qu'une seule planète, mais le vaisseau passerait tout près des radars, s'ils en avaient.
— Capitaine, la troisième option est la moins risquée.
— Oui, mais en même temps, elle est la plus risquée.
— Nous ne pouvons pas être certains que cette planète soit habitée, ou qu'elle soit aux mains des pirates du moins.
— C'est vrai.
Skylar était face à une décision difficile, une décision qu'elle devait prendre rapidement. Cela valait peut-être la peine d'essayer, et si tout se passait mal, ils devraient se battre.
— Spirit, à mon signal, remets le vaisseau en marche. Régle le réacteur à plein régime.
— À vos ordres.
— Cavah, comment pilotez-vous sous pression ?
— Exceptionnellement bien.
— J'espère que vous avez raison. Prenez les commandes.
Cavah acquiesça et prit le contrôle du poste de Pilotage. Si jamais ils étaient repérés, il devrait faire preuve de sang-froid pour éviter toute attaque.
— On va emprunter la troisième option, Cavah. Préparez-vous.
— À vos ordres.
Skylar allait devoir jongler entre les différents postes, confrontée à un sous-effectif majeur. Ce vaisseau avait été conçu pour accueillir un équipage permanent, pas une ou deux personnes seulement. Mais ils devraient faire avec les ressources qu'ils avaient, d'autant plus que Spirit était présent pour obéir aux ordres du Capitaine. Skylar se plaça au poste d'Ingénierie, à côté de Cavah, dans le but d'augmenter au maximum la puissance du cœur du vaisseau.
— Trois... deux... UN. Puissance maximale !
En un éclair, le vaisseau repartit à toute allure. Cavah maintenait le cap, tandis que Spirit et le Capitaine tentaient de maîtriser l'énergie du cœur.
— Capitaine, je détecte un signal sur le radar, juste derrière nous. Il semble que nous ayons été repérés, annonça Spirit.
— Merde ! jura le Capitaine. D'où il vient ?
— Il a probablement repéré notre mouvement initial et attendu que nous redémarrions pour nous poursuivre, expliqua Cavah.
— Merde ! Cavah ?
— Je peux le semer, mais j'aurais besoin de plus de puissance.
— Niveau du cœur à 65 % ! informa Skylar en augmentant la puissance. 70 % !
— Capitaine, un second signal vient d'apparaître, dit Spirit.
— Où ?
— Il vient droit devant nous.
— Ils vont nous prendre à revers !
— Continuez tout droit, Cavah. Spirit, augmente la puissance du cœur sans le faire exploser si possible !
— À vos ordres, répondirent Cavah et Spirit en même temps.
— Où allez-vous ?! demanda Cavah, surpris, alors que Skylar quittait le poste de commande.
— Poste de Combat ! à mon signal, manœuvre d'évitement, Cavah !
Skylar courut hors du poste de Commande, descendant d'un étage pour atteindre le poste de Combat situé juste en dessous. De là, elle avait une vue à 360 degrés et pouvait abattre le premier vaisseau ennemi qui se présenterait. Elle activa le poste et, en même temps, utilisa le communicateur pour rester en contact avec le poste de Commande.
— Quelle est la situation ? demanda-t-elle via le communicateur.
— Le vaisseau ennemi de derrière nous a ralenti, nous avons pris de l'avance, informa Cavah. Mais le vaisseau devant nous se rapproche rapidement, Capitaine.
— Attendez...
— Capitaine ?!
Une seconde, puis deux, passèrent, et le vaisseau pirate fut bientôt visible à l'horizon.
— Capitaine ?!!
— Maintenant, Cavah ! manœuvre d'évitement, tout de suite !!
Cavah ne s'était pas trompé, il était bel et bien un pilote exceptionnel sous pression. Évitant de justesse le vaisseau pirate, le Krœnos passa à quelques mètres seulement de la collision. Skylar en profita pour cibler et tirer des torpilles. La première salve manqua sa cible de peu, mais la seconde la toucha de plein fouet, faisant exploser le vaisseau ennemi. Les manœuvres de Cavah avaient contraint le Krœnos à ralentir, annulant ainsi leur avantage sur le deuxième vaisseau, qui les talonnait de près. Cavah fit pivoter le vaisseau sur lui-même, présentant maintenant la face du Krœnos au vaisseau ennemi. Ce dernier sembla ralentir, puis lança des torpilles en leur direction.
— Torpilles en approche ! retentit la voix de Cavah dans le communicateur.
Tandis que Cavah cherchait à les éviter, Skylar tentait de les abattre. Sa visée s'était nettement améliorée depuis le premier engagement. Elle continua de tirer, touchant à nouveau sa cible. Cette fois, cependant, le vaisseau ennemi ne s'effondra pas, il stoppa sa course et cessa de lancer des torpilles. Skylar cessa également le feu. Le Krœnos était stabilisé, et les deux vaisseaux ennemis se trouvaient maintenant face à face.
— Nous recevons une transmission.
Sans attendre, Skylar courut de retour au poste de Commande et s'installa dans le siège du Capitaine. Elle avait l'impression d'être dans Star Trek, et c'était incroyablement excitant.
— Sur écran.
Spirit s'empressa d'accepter l'appel pendant que Cavah resta concentré sur son poste, prêt à réagir en cas de nouvelles attaques. L'écran afficha un homme, du moins c'était ce que Skylar identifia comme une créature de genre masculin. La qualité de l'appel lui donnait une teinte brunâtre et sa peau semblait faite de roche, parsemée de cicatrices. Cette apparence était probablement trompeuse.
— Ici la Capitaine Skylar Hogan du Vaisseau Académique le Krœnos. Vous êtes accusé de tentative de piraterie et de destruction d'un vaisseau appartenant à l'Académie de Siirus. Que répondez-vous à ces accusations ?
— Capitaine Hogan, je suis le Capitaine Spaal Uler du Vaisseau Aborigène. Je fais partie des Pirates de la Mer Noire...
— Merci de me le rappeler, Capitaine Uler, je n'avais pas saisi à quel groupe vous apparteniez, coupa Skylar.
Sous ce qui semblait être une tentative de sourire de Spaal Uler, Skylar décela une intention qui lui était évidente, peu importe son espèce.
— Comprenez que nous ignorions que nous avions affaire à un vaisseau de l'Académie. Votre habileté à éviter les attaques et les manœuvres que vous avez réalisées montrent clairement que vous êtes un grand capitaine.
— Vos flatteries ne vous sauveront pas.
— Je m'en doutais. Vous avez détruit l'un de nos vaisseaux, Capitaine.
— Et vous avez tenté de faire de même, Capitaine.
— Qu'avez-vous l'intention de faire de moi et de mon équipage désormais ?
— De mon point de vue, deux options s'offrent à vous : soit vous nous laissez partir sans poursuites, soit je vous détruis.
— Un instant... répondit Uler.
Un silence s'installa. Cavah jeta un regard vers Skylar ; son expression était mortellement sérieuse, prête à agir si Uler ne laissait pas le Krœnos en paix. Il reporta son attention sur Spaal Uler, qui semblait presque confus.
— Deux options, Capitaine ? vous avez oublié la troisième option : nous amener sur la planète mère pour y être jugés.
— Non, je n'l'ai pas oubliée. Je choisis simplement de n'pas vous accorder cette troisième option. En ce moment, vous me faites perdre mon temps, et je ne détournerai certainement pas ma trajectoire pour vous emmener sur Siirus. Donc, soit vous nous laissez partir, soit je vous détruis. En réalité, ces options vous sont plus avantageuses.
— Nous sommes dans notre territoire, Capitaine, tenta Uler.
— À ma connaissance, il n'existe aucun traité ni convention qui établisse cette partie de la galaxie comme votre territoire. Vous occupez cet espace illégalement, et par conséquent, j'ai le droit de vous détruire sur-le-champ. Alors, Capitaine Uler, dois-je vous détruire, ou nous laisserez-vous partir sans nous poursuivre ?
Spaal Uler eut un sourire en coin. Ce Capitaine commençait à lui plaire davantage. Elle était autoritaire, et cela lui plaisait. Bien qu'il sache qu'il la reverrait un jour, son espèce restait un mystère.
— Vous pouvez partir, Capitaine, déclara Uler alors que son vaisseau amorçait un virage en sens inverse.
— Je vous remercie pour votre coopération.
Alors que Skylar s'apprêtait à couper la communication et que Cavah remettait le vaisseau sur sa trajectoire, Uler reprit la parole.
— Une dernière question : qu'êtes-vous ?
— Comment ça ?
— Votre espèce. J'ai parcouru cette galaxie pendant bien longtemps, mais je n'ai jamais rencontré d'individus comme vous, du moins pas qui vous ressemblent de près ou de loin.
— Je suis un être humain. Rappelez-vous de ce jour, Capitaine, comme celui où je n'vous ai pas détruit. Vous me devez une faveur.
— Je n'oublierai pas...
La communication se coupa. L'Aborigène fit volte-face et s'éloigna dans la direction opposée au Krœnos. Les deux vaisseaux avaient repris leur route normale, se dirigeant bientôt hors du territoire des pirates. Cavah activa le pilotage automatique et se tourna vers Skylar. Elle était affalée dans son siège, le sourire aux lèvres.
— C'était la bataille spatiale la plus courte que j'ai jamais vue, mais par tous les dieux, c'était la meilleure ! s'exclama Cavah.
— Eh bien, comme vous dites ! grâce à vos talents de pilotage.
— Et à vos compétences de tireuse.
Un rire sincère éclata. En réalité, c'était surtout grâce à Cavah ; seule, elle aurait certainement été anéantie. Ça faisait longtemps que Skylar n'avait pas ressenti une telle euphorie.
— Comment vous est venue l'idée du traité ?
— Oh, vous savez, mon espèce affectionne particulièrement les lois, les traités et les conventions. Tout est encadré par une bureaucratie. Les formalités, les paperasses... C'est ennuyeux à mourir. On a tendance à connaître par cœur les lois qui régissent nos libertés. L'idée du traité ? j'ai juste tenté ma chance.
— C'était brillamment exécuté, à mon avis.
— Merci, Cavah, dit-elle en souriant.
Cavah lui adressa un hochement de tête en retour.
— Enfin. Pilotage automatique activé. Nous sommes de retour en piste. Zetania n'est plus qu'à quelques jours désormais.
— Parfait. C'est une bonne nouvelle.
Skylar et Cavah avaient traversé leur première épreuve sans dommages, mais ce n'était que le début. Zetania et la suite s'annonçaient bien plus complexes.
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