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Photo du rédacteurMartha BLK

Krœnos - Chapitre 7 : Problèmes sur Zetania


Les jours qui avaient suivi leur bataille spatiale avec le Capitaine Uler s'étaient avérés plutôt calmes. Grâce à ses excellentes compétences de pilotage, Skylar avait demandé à Cavah d'assurer les fonctions de pilote pour cette mission, alors qu'elle-même prendrait en charge la navigation et l'ingénierie, ce qu'elle appréciait particulièrement. Au fil des jours, elle se surprenait de plus en plus à apprécier la compagnie de Cavah. Mais elle était consciente qu'une fois cette mission terminée, il devrait retourner à sa vie et elle se retrouverait seule à nouveau. Étonnamment, Cavah semblait également apprécier le vaisseau et son Capitaine.


Skylar se trouvait dans la salle des machines lorsque Cavah l'avait appelée. Ils approchaient de Zetania, leur destination étant la ville d'Osmea, où Cavah avait assuré qu'ils trouveraient quelqu'un capable de les aider. Elle n'aimait pas avoir affaire à des criminels, mais elle n'avait pas le choix. Elle acquiesça et se dépêcha de le rejoindre au poste de commande. Une fois là-bas, elle prit place au poste de communication, et presque immédiatement, quelqu'un prit contact avec eux. Le vaisseau Académique Krœnos entrait dans l'espace aérien d'Osmea.


— Vaisseau inconnu, identifiez-vous, ordonna la voix.

— Vaisseau Académique, le Krœnos, code d’Académie 666-5 evata 7, répondit Skylar en transmettant le code.

— Code en cours de vérification, cargaison ?

— Moi et mon équipage.

— Code vérifié. Vaisseau Académique, je vais vous demander de rester en vol stationnaire un instant, s'il vous plaît.


Skylar n'eut pas le temps de répondre qu'ils furent mis en attente. Elle lança un regard interrogateur à Cavah.


— Zetania reçoit rarement la visite de vaisseaux de l’Académie. Siirus est extrêmement éloignée, et son Académie est considérée comme le summum de l'autorité, mais dans ces zones reculées, ils ne viennent que rarement, expliqua-t-il. Là-bas, la personne qui nous a contactés a probablement fait appel au Service de Renseignement, un terme élégant pour désigner les criminels haut placés. Ils doivent penser que vous êtes ici pour une inspection, et ils ne savent probablement pas comment réagir.

— Que dois-je dire ?

— Dites-leur que vous êtes venue pour régler le Dernier Protocole. Ils vous laisseront atterrir sans problème.


Le Capitaine hocha la tête, et quelques instants plus tard, une voix plus sévère et autoritaire que la précédente, celle du responsable du service de renseignement, s'adressa à eux.


— Vaisseau Académique, le Krœnos, je suis désolé pour cette attente. Je suis Magua, responsable du Service de Renseignement. Je vais devoir vous demander la raison de votre visite.

— Je ne suis pas ici pour une inspection, si c'est ce que vous craignez. Je suis là pour régler le Dernier Protocole.


Un silence s'ensuivit. On aurait presque pu entendre la respiration du responsable s'accélérer de l'autre côté du communicateur. Visiblement, il savait ce qu'était le Dernier Protocole, que celui-ci avait le pouvoir de détruire toute la ville, et qu'il ne pourrait rien y faire. Il valait donc mieux laisser l'académicienne responsable de ce vaisseau atterrir en toute tranquillité.


— Autorisation d’atterrir, au nom de mes employés et de moi-même. Pardonnez-nous pour cette attente.

— Ce n'est rien.


La communication se coupa, et Cavah put entamer la phase d'atterrissage.


Depuis que Sarek lui avait parlé du Dernier Protocole et de son importance dans toute la galaxie, Skylar avait du mal à comprendre en quoi cela pouvait être bénéfique. Comment venger la mort d'un capitaine pouvait-il contribuer au bien de la planète mère ou de l'Académie ? elle, dont l'objectif était l'exploration et la découverte de nouvelles planètes et civilisations. Elle ne comprenait pas comment la vengeance pouvait encore avoir sa place dans une civilisation aussi avancée. Elle n'avait jamais vraiment compris.


Ce qu'elle avait compris, en revanche, c'était que les Capitaines sortant de l'Académie étaient célèbres et extrêmement respectés, la plupart du temps, même par les créatures les plus malveillantes des bas-fonds des planètes. Sarek l'avait nommée Capitaine, et l'Académie l'avait à son tour reconnue. Elle deviendrait bientôt célèbre, mais rien de tout cela ne l'enthousiasmait, même si elle savait en tirer parti…


Le Krœnos atterrit dans le quartier le plus riche de la ville, en raison de la forte concentration de criminels riches qui y résidaient. C'était un quartier à la fois extrêmement sécurisé et très dangereux, en fonction de qui s'y trouvait et de ses intentions. Skylar était capitaine de l'Académie, mais derrière ces portes, tant qu'elle ne montrerait pas son Bracelet, elle n'était qu'une étrangère, rien de plus.


Elle se changea rapidement, enfilant son pantalon noir à motif beige, des bottes noires, une chemise à carreaux marron et une veste en cuir noire par-dessus. Ensuite, elle se rendit à l'armurerie, prit deux armes, en rangea une dans son holster à la cuisse et l'autre à sa ceinture, puis rejoignit Cavah dans la cuisine. Lui ne pouvait pas sortir sans compromettre leur mission, alors il la guiderait depuis le vaisseau. Skylar activa le traqueur de son Bracelet pour permettre à Cavah de la suivre en permanence et enclencha son oreillette. Ils avaient eu le temps de peaufiner leur plan avant d'arriver à Zetania, mais elle savait que les plans basés sur ses actions avaient tendance à déraper.


Elle devait se rendre à l’Office, un hôtel dernier cri que fréquentaient les criminels les plus notoires de la région. À partir de là, elle devrait localiser "l'ami" de Cavah, Fr’ehe. Fr’ehe était un Togusin, l'une des rares créatures presque semblables aux humains, à l'exception qu'ils étaient plus larges, plus musclés, et pratiquement supérieurs en tout. Un simple coup de poing de sa part aurait pu envoyer Skylar tout droit aux portes de l'Enfer. C'était à cause de lui que Cavah avait été banni de Zetania. Il avait une grande influence sur le Service de Renseignement, et actuellement, c'était la seule personne susceptible de les aider dans leur mission.


— Bien, Capitaine, vous devez être aussi diplomate que possible. Nous ne voulons pas d'ennuis. Vous êtes protégée par l'Académie et le Dernier Protocole, mais ne tentez pas votre chance, prévint Cavah.

— J'en suis bien consciente, Cavah, n'vous inquiétez pas. Je sais que derrière ces portes, je n'suis pas grand-chose.

— Que vous le croyez ou non, vous travaillez bien sous la pression.

— Croisons les doigts.

— "Croisons les doigts" ? répéta Cavah, incrédule.

— C'est quelque chose qu'on dit sur ma planète pour porter chance.

— D'accord… Je vous suivrai grâce à votre traqueur. S'il y a un problème, contactez-moi et je vous rejoindrai.

— Non, vous n'pouvez pas sortir du vaisseau, s'inquiéta-t-elle, c'est bien trop risqué. Qui sait c'qui se passerait si quelqu'un venait à vous reconnaître.

— Le Krœnos a besoin de son Capitaine. Risquer ma sécurité pour vous ramener saine et sauve n'est pas grand-chose.


Un silence s'installa.


— Vous savez ce que vous avez à faire, vous connaissez le plan. Vous y arriverez. Mais au moindre accroc, ou si vous vous sentez menacée, prévenez-moi ou retournez au vaisseau. Un seul Dernier Protocole suffit, rappela-t-il.

— À vos ordres, plaisanta Skylar. J'y arriverai.


Cavah esquissa un sourire en réponse et l'accompagna jusqu'à la sortie du vaisseau. Il referma la porte derrière elle et se dirigea directement vers le poste de Commande. Il suivait Skylar grâce à son traqueur et restait en contact permanent avec elle via l'oreillette qu'elle portait. Il pouvait ainsi la guider jusqu'à l'hôtel l'Office.


La Lune de Zars était plus lumineuse et plus agréable à voir que Taung III. C'était un endroit où les "criminels distingués", comme l'avait dit Cavah, régnaient en maîtres. Cela lui rappelait presque les rues de Budapest. Plus elle voyageait, plus elle se rendait compte que toutes les civilisations se ressemblaient à un moment ou à un autre de leur histoire. Cavah continuait de la guider via l'oreillette et personne ne semblait réellement prêter attention à elle. Lorsque Skylar pénétra dans la rue où se trouvait l'Office, de nombreux regards se posèrent sur elle. Il était vrai qu'à côté de ces gens, tous plus distingués les uns que les autres, comme dans les années 40, la pauvre humaine se démarquait. Devant l'Office, elle constata que la façade était encore plus impressionnante que les bâtiments environnants. Elle entra dans l'hôtel, qui était immense, grandiose même, très semblable à celui où le petit Kevin se réfugie à New York dans Maman, j'ai raté l'avion, un vieux film qu'elle aimait regarder à Noël.


— Bien, coupa Cavah, normalement, vous y êtes.


Depuis qu'elle était sortie du Krœnos, elle n'avait pas coupé la communication avec lui. Il connaissait mieux les lieux qu'elle.


— J'y suis, en effet.

— Allez au comptoir et demandez à voir Fr’ehe.


Skylar se dirigea donc vers le comptoir. Par chance, la personne devant elle n'avait pas mis longtemps à demander une chambre. Le réceptionniste était un représentant de la même espèce que Fr’ehe.


— Bonjour, en quoi puis-je vous aider ? demanda-t-il aussi aimablement que possible.

— Bonjour. J'aimerais savoir si Fr’ehe…

— Bark, interrompit Cavah dans l'oreillette.

— …Bark réside dans votre hôtel.

— Nos clients recherchent l'intimité. Nous ne sommes pas autorisés à fournir ce genre d'informations.

— Je suis sûre que vous pouvez faire une exception, répondit Skylar sans perdre son calme.

— Non, je suis désolé.

— Et maintenant ? demanda-t-elle en montrant son Bracelet de Capitaine. Je suis sûre que vous savez ce que c'est. Seuls les Capitaines de l’Académie portent ces Bracelets.


Le visage de la créature se figea, son apparence humaine jouant contre elle. Skylar savait qu'elle avait gagné.


— Je l'appelle immédiatement. Vous pouvez patienter là-bas, dit-il en désignant un coin avec des canapés.


Skylar le remercia et alla s'asseoir sur l'un des canapés en attendant que Fr'ehe arrive. La première étape était accomplie, mais il lui fallait encore obtenir l'information dont elle avait besoin, ce qui s'annonçait plus compliqué.


— Espérons que Fr'ehe soit disposé à nous aider aujourd'hui, dit Cavah.

— Je suppose que la vue du Bracelet sera moins efficace qu'avec les employés.

— Malheureusement.


Quelques minutes s'écoulèrent, mais Fr'ehe ne se montrait toujours pas. Skylar commençait à perdre patience.


— Capitaine ? appela Cavah.

— Toujours là.

— Spirit a détecté plusieurs vaisseaux de combat Zarsiens se dirigeant vers les grandes villes de Zetania, dont l'un atterrira bientôt ici.

— Qu'est-ce que cela signifie ? demanda-t-elle, soudain inquiète.

— Je n'en ai aucune idée.

— Surveillez-les. Fr'ehe arrive.


Fr'ehe ressemblait au Parrain dans le film éponyme, ce qui aurait pu l'effrayer auparavant, mais aujourd'hui, elle en riait presque. Elle avait cessé d'avoir peur des extraterrestres plus imposants qu'elle dès son premier voyage. Elle se leva et se dirigea vers lui. Fr'ehe la salua en premier, puis elle répéta le geste.


— Je suppose que vous êtes le Capitaine de l'Académie ? vous avez fait peur à ce pauvre Togusin.

— Je suis désolée, ce n'était pas mon intention.

— Asseyons-nous, ordonna-t-il sans attendre.


Ils prirent tous deux place sur un des canapés, et Fr'ehe écarta tous les autres clients qui étaient autour. C'était une affaire entre lui et la Capitaine.


— Vous n'êtes pas ici en vacances, n'est-ce pas ? l'Académie n'a pas mis les pieds ici depuis longtemps. Je suis surpris que le Service de Renseignement vous ait laissé atterrir.

— Oh, mais ils n'avaient pas vraiment le choix. Je ne suis pas en vacances, je suis ici pour affaires.

— Une affaire me concernant ?

— Indirectement. J'ai besoin d'une information, et on m'a dit que vous pourriez me la fournir.

— Et qui est ce "on" ?

— Vous comprendrez que je préfère garder mes sources anonymes, dit-elle avec un sourire.


Le sourire était instinctif chez les Humains, mais les Togusins souriaient rarement.


— Je comprends, dit-il doucement, légèrement méfiant. Qu'est-ce que vous êtes ? vous ressemblez aux Togusins, mais vous n'en êtes pas un.

— Exact, je suis un être humain.

— Un humain, j'en ai entendu parler. Vous êtes l'une de ces nouvelles espèces découvertes. Que faites-vous si loin de chez vous ?

— Ce n'est pas que la conversation ne m'intéresse pas, mais pouvons-nous en revenir à notre affaire ?

— Bien, bien, puisque vous êtes pressée. Qu'attendez-vous de moi ?

— Où se trouve le Clan de Maginas ?

— Le Clan de Maginas ? répéta Fr'ehe, quelque peu surpris. C'est du gros gibier que vous cherchez à traquer, Capitaine.

— Ne faites pas croire que cela vous préoccupe. J'ai besoin de cette information. Avez-vous la localisation du Clan de Maginas ?

— Qu'est-ce que j'y gagne ?

— Pourquoi pas la vie sauve.

— Oh, oh ! vous sortez directement les menaces, ricana Fr'ehe.

— Dites-lui qu'Esmentia est très belle en cette saison, intervint Cavah.

— Esmentia est très belle en cette saison, répéta Skylar.


Jamais de sa vie, Skylar n'avait vu autant de haine dans les yeux de quelqu’un. C'était la seule émotion qui habitait Fr'ehe en ce moment. Elle savait qu'une seule phrase bien placée pouvait anéantir un empire. Elle savait que la seule chose qui pouvait susciter autant de haine chez une personne, c'était la perspective que sa famille puisse être en danger. C'était un coup bien joué de la part de Cavah. Fr'ehe tenta un mouvement rapide en direction de Skylar, mais la vue de l'arme que tenait le Capitaine dans sa main le stoppa net.


— Comment savez-vous pour Esmentia ?! personne ne sait qu'ils sont là-bas !

— Sa famille est à Esmentia, une planète voisine de Plantia. Ils y ont été transportés après que les ennemis de Fr'ehe ont tenté de les tuer, informa Cavah en même temps.

— Votre famille est saine et sauve, et elle le restera uniquement si vous me fournissez l'information dont j'ai besoin, ajouta Skylar.


Un silence s'installa. De l'autre côté de l'oreillette, Cavah était encore surpris par le sang-froid et la détermination dont faisait preuve Skylar. Il commençait à douter qu'elle bluffait.


— Je n'ai...


Mais Fr’ehe n'eut pas le temps de répondre. Une grenade explosa à proximité, projetant violemment Skylar et lui à quelques mètres. Des intrus armés et cagoulés envahirent l'hôtel, ouvrant le feu sur tout ce qui bougeait. Dans les rues, c'était la même scène chaotique. Fr’ehe reprit rapidement ses esprits, sortit son arme et ouvrit le feu sur les assaillants, tout comme les clients de l'hôtel encore en vie.


Se mettant à couvert derrière une table, il pouvait voir le Capitaine de l'Académie gisant toujours au sol, inconsciente. Quelques minutes plus tôt, son sort lui aurait été indifférent, mais tout avait changé maintenant qu'elle savait où se trouvait sa famille, et rien n'indiquait qu'ils étaient encore en sécurité. Qui que soient ces agresseurs, l'Académie n'en était probablement pas responsable, mais peut-être pouvait-elle quand même faire quelque chose.


— Capitaine ?! criait Cavah de son côté.


Depuis l'explosion, il n'avait cessé d'appeler Skylar. Elle avait dû être prise dans le souffle de l'explosion. Il regrettait maintenant de ne pas être allé avec elle, même si elle avait insisté pour qu'il reste au vaisseau.


— Capitaine ?!


Toujours pas de réponse, juste le grésillement de l'oreillette.


— Je dois y aller, décida-t-il enfin.

— Vous ne pouvez pas. Le Capitaine vous a ordonné de rester au vaisseau, rappela l'ordinateur de bord.

— Spirit, que se passerait-il si elle mourait ici ?

— Vous devriez ramener son corps sur Siirus et accomplir deux Derniers Protocoles.

— Deux ? mais je ne fais même pas partie de l'équipage !

— Vous en faites partie, du moins pour le moment, informa l'ordinateur.

— Sérieusement… Capitaine ?! hurla-t-il une nouvelle fois.


Skylar avait été violemment projetée par l'explosion, juste au moment où Fr’ehe s'apprêtait à lui révéler la localisation du Clan de Maginas. Maintenant, elle reprenait conscience sans vraiment comprendre où elle se trouvait. Elle n'entendait qu'un bourdonnement, puis peu à peu, le son revenait, apportant avec lui des bruits sourds, des tirs venant de plusieurs armes, ainsi qu'un cri constant, comme si quelqu'un hurlait en permanence dans ses oreilles.


Cavah. L'explosion. Les hommes armés. Fr’ehe. Tout lui revint en mémoire. Soudain, elle fut parfaitement consciente de la fusillade en cours tout autour d'elle. Elle n'avait aucune envie de se lever et d'agir. Si elle pouvait rester couchée au sol jusqu'à ce que tout se termine, elle le ferait volontiers. Elle sortit son arme de son holster d'un geste assuré.


— Capitaine ?! hurla Cavah dans son oreille, la faisant sursauter.

— En vie ! répondit-elle finalement.

Sret, vous m'avez fait peur ! Qu'est-ce qui se passe ?!

— Explosion, hommes armés, tout le monde se tire dessus. Bon sang, évidemment qu'il y a une fusillade, j'ai vraiment la poisse !

— Je ne pense pas que ce soit de votre faute, Capitaine. Les vaisseaux de combat Zarsiens ont envahi toutes les grandes villes de Zetania. Nous sommes simplement au mauvais endroit, au mauvais moment !

— Merde... jura-t-elle.


La fusillade continuait tout autour d'elle. Au moins un des Zarsiens avait été abattu. Skylar prit une grande inspiration, se leva d'un bond, arme au poing. Elle parvint à éviter les tirs, mais dans la mêlée, elle n'arriva pas à en éliminer un seul. Fr’ehe lui cria quelque chose qu'elle ne comprit pas, mais au moins elle sut qu'il était encore en vie et où il se trouvait. Elle courut pour le rejoindre derrière sa table.


— Vous êtes toujours en vie ! hurla-t-elle à Fr’ehe.

— Difficilement ! répondit-il. Qui sont-ils ?! Siirus !?

— Non ! on a repéré des vaisseaux de combat Zarsiens ! ils ont envahi toute la planète ! ils sont là pour vous !

— Vous plaisantez ?! s'exclama un Togusin derrière le comptoir, en tirant à son tour.

— Non ! bon sang, mais aucun de vous n'en a abattu plus d'un !

— Vous pensez pouvoir faire mieux ?! hurla Fr’ehe pour couvrir le bruit de la fusillade.


Skylar esquissa un sourire, l'expression d'un prédateur en embuscade. Elle n'était pas une amatrice de défis, mais cette situation était trop tentante pour elle. Un bref coup d'œil derrière la table lui révéla la position des cinq assaillants : deux couvraient la sortie, deux étaient à droite, et un à gauche. Elle trouva ça simple et rapide, bien moins compliqué que ce qu'elle avait vécu avec Sarek et le reste de l'équipage sur Prean. Elle prit une profonde inspiration pour calmer ses tremblements, puis se leva d'un seul mouvement. Trois tirs rapides, trois des cinq assaillants s'effondrèrent, laissant à peine le temps aux deux autres de réagir. Maintenant, elle avait les deux derniers en ligne de mire. Elle fit feu et ils tombèrent à la renverse. Fr’ehe et les clients survivants se levèrent, l'observant avec perplexité.


— Cinq ans de tir à l’arc sur cible mouvante, dit-elle en réponse à leurs regards incrédules. Écoutez-moi, tous ! les rues sont dangereuses. Si vous le pouvez, fuyez Zetania au plus vite. Sinon, trouvez un endroit où vous cacher, mais ne restez pas dans les rues ! ces individus vous tueront à la moindre opportunité. Y a-t-il un autre moyen de quitter cet endroit ? demanda-t-elle au Togusin qui se trouvait derrière le comptoir.

— Oui, par les cuisines, répondit-il.

— Alors allez-y, maintenant !


Les clients survivants de l'hôtel n'attendirent pas un instant de plus et obéirent. Tous partirent en courant vers les cuisines, à l'exception de Fr’ehe et d'elle.


— J’ai besoin de cette information, déclara-t-elle en se tournant vers lui. Donnez-la-moi, et je partirai.

— Non, non, je ne vous donnerai rien tant que je ne saurai pas si ma famille est en vie ! répliqua-t-il.

— Votre famille est saine et sauve. J'n'ai jamais mis les pieds sur Esmentia, c'était un moyen pour obtenir la localisation du Clan de Maginas !

— Comment le savez-vous alors ?! qui vous a fourni cette information ?!

— Dites-moi où se trouve son Clan !

— Non, pas avant d'obtenir ma réponse !


Skylar et Fr’ehe étaient dans une impasse, aucun d'entre eux ne voulait révéler son information sans avoir la garantie de l'autre. Le Capitaine du Krœnos avait autre chose à faire que de trahir la confiance de Cavah. Sans qu'ils ne s'en aperçoivent, l'un des Zarsiens cagoulés reprit conscience. Skylar n'avait pas réussi à les éliminer tous, mais elle n'en avait pas conscience. Le Zarsien pointa son arme dans leur direction et appuya sur la gâchette d'une main tremblante. Skylar fut touchée en plein ventre et s'effondra, sans tarder, Fr’ehe sortit son arme et abattit le Zarsien. Puis, il se précipita vers Skylar, qui était étrangement encore en vie et consciente malgré sa blessure grave.


— Capitaine ?! cria de nouveau Cavah dans l'oreillette, qui jusqu'ici avait écouté en silence.

— J'vais bien... assura-t-elle, même si sa blessure était potentiellement mortelle sans soins.

— À qui parlez-vous ? demanda Fr’ehe en essayant de la relever.

— Mon pilote...

— Et pourquoi n'est-il pas ici pour nous aider ?!

— C'sont mes ordres ! j'veux qu'il reste sur mon vaisseau, prêt à partir...


Mais la douleur lui fit perdre sensation dans les jambes, et Fr’ehe la soutint.


— Il vous faut des soins médicaux d'urgence !

— Non... J'dois retourner sur mon vaisseau.

— Je vous envoie le chemin le plus sûr selon les données de Spirit, intervint Cavah.

— Pourquoi êtes-vous si têtue ?

— Ça s'voit qu'vous n'connaissez pas les humains...


Le Bracelet afficha une carte de la ville, complètement ravagée. Le chemin le plus court vers le Vaisseau était indiqué en rouge.


— Oh, une carte, parfait, dit-il sarcastiquement.


Tout en soutenant Skylar, Fr’ehe quitta l'hôtel. Moins d'une heure plus tôt, la rue était animée, maintenant elle était en ruines. Ils entendaient des explosions et des coups de feu au loin, une véritable guerre, un génocide. Ils avancèrent aussi vite que possible vers la rue suivante, mais alors qu'ils n'étaient qu'à quelques mètres, des tirs passèrent au-dessus de leurs têtes. Trois Zarsiens les avaient repérés. Skylar et Fr’ehe se réfugièrent contre un mur tandis que les balles sifflaient autour d'eux. Skylar retira le bras du Togusin de sa taille et le poussa.


— Partez ! tout d'suite ! lui ordonna-t-elle. J'peux m'en occuper.


Il la regarda sévèrement puis acquiesça et s'enfuit dans la direction opposée à la sienne. Le Capitaine prit une grande inspiration et s'avança vers les trois hommes armés, les mains en l'air. Dès qu'ils la virent, ils pointèrent leurs armes dans sa direction.


— N'avancez plus ! ordonna le premier.

— Laissez tomber votre arme ! dit le second.


Skylar obéit et s'arrêta au milieu de la rue. Elle attrapa doucement son arme dans son holster, mais elle évita de prendre la seconde qu'elle avait dans son dos. Ils ignoraient qu'elle en avait une autre, et il était préférable que cela reste ainsi. Elle jeta son arme à quelques mètres devant elle.


— Vous n'avez pas le droit d'faire ça, leur dit-elle calmement.

— Taisez-vous ! je ne vous ai pas demandé de parler ! répondit le dernier des trois, de plus en plus menaçant.

— Quand Siirus et l’Académie apprendront c'qui se passe ici...

— Siirus et l’Académie ne sont pas là, ricana le premier.

— Oh, je n'parierais pas là-dessus, répondit-elle en montrant un peu mieux le Bracelet à son poignet.


Le premier des trois réalisa soudain avec qui ils avaient affaire. Elle était un Capitaine de l'Académie, la plus haute autorité sur Zetania et Zars. Et il était évident qu'elle était au-dessus d'eux, les surpassant dans tous les sens.


— Baissez vos armes, ordonna-t-il enfin.


Les deux autres Zarsiens obéirent. Ils étaient cagoulés, de sorte que leurs visages étaient invisibles, mais on pouvait sentir qu'ils étaient soudainement nerveux.


— Vous savez ce que c'est.

— Le Bracelet du Capitaine. Seuls les Capitaines de l'Académie en portent un.

— Vous n'avez pas le droit de faire ça, d'abattre ces gens innocents ! s'énerva-t-elle.

— Nous avons des ordres.

— J'me fous de vos ordres. Zetania est fédérée, mais possède son propre système central. Rien n'vous autorise à l'envahir de cette manière.

— Je suis désolé, mais les ordres sont les ordres.

— Apparemment...

—Vous êtes libres de partir, Madame, nous ne vous ferons aucun mal, mais nous restons ici.


Skylar acquiesça avec peu d'enthousiasme, récupéra son arme, et essaya de ne pas montrer que sa blessure la lançait alors qu'elle repartait vers la ruelle où elle avait ordonné à Fr’ehe de se rendre. Une fois hors de vue des soldats Zarsiens, elle s'effondra sur le sol. Sa blessure était probablement infectée, ou le serait bientôt. Elle devait rejoindre son vaisseau au plus vite. La tête lui tournait, elle avait soudainement très chaud, et elle ne parvenait pas à se relever. Il n'y avait pas de contact avec Cavah, pour le moment, celui-ci préparait le vaisseau pour le décollage. Elle était seule en attendant. Elle allait perdre connaissance quand quelqu'un la tira brusquement par le bras.


— Debout, allez !


Skylar observa la personne qui l'avait aidée à se lever, et qui la soutenait maintenant pour l'empêcher de tomber. C'était Fr’ehe. Cet imbécile était revenu, pensa-t-elle. Cela tombait bien pour elle car il ne lui avait toujours pas donné l'information qu'elle recherchait, la raison de sa venue ici. Ils avançaient lentement dans la ruelle, suivant le chemin de retour vers le vaisseau.


— J'vous avais dit de partir… murmura-t-elle.

— Je suis l'un des plus grands criminels de ce secteur. Vous pensiez réellement que je vous écouterais ?

— J'ai essayé, mais ils n'voulaient pas m'obéir...


Skylar et Fr’ehe restèrent silencieux pendant un instant, puis elle se souvint du Clan de Maginas. C'était pour ça qu'elle était ici.


— Fr’ehe, attendez, dit-elle en s'arrêtant. J'ai b'soin de cette information.

— Je ne l'ai pas. Je suis désolé, mais je ne l'ai pas. Ça fait bien longtemps que je ne suis plus en contact avec le Clan de Maginas. Je suis désolé.

— Non... non, non, répéta Skylar sans croire un mot de ce qu'il disait. J'ai b'soin de cette information ! j'en ai besoin…

— Je suis désolé, répondit Fr’ehe. Écoutez, si nous nous en sortons, rendez-vous sur Plantia. De là, allez voir Julius Shayne sur la Troisième Colline. Dites-lui que vous venez de ma part, il saura vous guider. Plantia est une planète pittoresque, voisine d'Esmentia. Vous aurez moins de problèmes qu'ici.


Un silence s'ensuivit. Ils continuèrent d'avancer péniblement dans la ville déjà bien dévastée. La blessure du Capitaine les ralentissait inexorablement.


— Pourquoi continuez-vous à m'aider ?

— Vous êtes de l'Académie. Vous êtes actuellement la seule qui peut empêcher Zars d'anéantir toute la Lune et ses habitants. Vous pouvez faire intervenir l'Académie et Siirus.

— C’est, à vrai dire, une noble cause…

— Tout le monde ici n'est pas un criminel. Il y a des familles et des enfants innocents. Ce sont eux qui méritent d'être sauvés.

— Encore faut-il arriver au Vaisseau, murmura-t-elle.


Ils continuèrent à marcher pendant une trentaine de minutes, et elle ne se souvenait pas que cela avait pris autant de temps à l'aller. Elle décida donc de contacter Cavah.


— Pilote ? dit-elle en utilisant l’oreillette. Pourquoi ça prend autant de temps pour rev'nir ? je n'me souviens pas d'avoir pris ce chemin à l'aller.

— Votre pilote s'appelle Pilote ?

— Disons que oui…

— Spirit change constamment l'itinéraire pour éviter les patrouilles. Il y en a beaucoup plus que ce que nous pensions, répondit Cavah.

— Merde.

— Que se passe-t-il ? demanda Fr'ehe.

— À ce rythme, nous n'atteindrons pas le vaisseau avant la nuit.

— Vous ne survivrez pas une nuit sans soins.

— Comment ça ?! s'exclama Cavah en entendant la remarque de Fr’ehe.

— Ha, pas besoin de crier...

— Je n’ai pas crié, dit Fr’ehe confus.

— Pas vous, mon pilote.

— Pourquoi Pilote a-t-il crié ?

— Pilote ?

— Parce que je suis blessée.

— Vous lui avez dit que je m'appelle Pilote ? dit Cavah incrédule.

— Non, c'est un malentendu.

— Un malentendu ? demanda Fr’ehe.

— Pas vous.

— Vous parlez à Pilote.

— Oui.

— Je ne m'appelle pas Pilote, marmonna Cavah.

— Ça suffit, guidez-nous jusqu’au Vaisseau bon sang !

— Ok, ok... Continuez de suivre le chemin sur votre Bracelet.

— Il faut arriver avant la nuit Pilote,intervint Fr’ehe, même si nous devons tomber sur des patrouilles.


S'en suivit un long silence. Cavah ne prononçait pas un mot tandis qu'il mettait à jour l'itinéraire. Skylar, Fr’ehe et lui restaient plongés dans le silence. Partout où ils marchaient, il ne restait que des décombres. Zetania, autrefois si belle, n'était plus qu'un vaste champ de ruines. Ce qui surprit Fr’ehe et lui redonna un peu d'espoir, c'est qu'il n'y avait que très peu de cadavres.


Skylar ferma les yeux un instant et perdit connaissance. Dans son état aussi faible, elle ne devait absolument pas s'endormir. Fr'ehe la rattrapa et la secoua pour la réveiller. Elle était pâle. Ils devaient retourner au Vaisseau au plus vite, sinon elle ne survivrait pas.


Elle était bien trop faible, mais elle tenait bon. Cavah gardait le silence, impatient d'arriver enfin.


La carte de son Bracelet était toujours mise à jour. La route que Spirit avait choisie était étrangement calme, aucune patrouille en vue. Mais le son des fusillades les entourait par moments. Fr'ehe et Skylar n'avaient vu que quelques vaisseaux décoller depuis qu'ils avaient quitté l'hôtel, et cela n'augurait rien de bon. Skylar était la dernière personne capable d'aider les Zetaniens. Siirus et l'Académie n'avaient aucune idée de ce qui se passait ici.


Une longue heure terrestre s'écoula avant qu'ils n'arrivent enfin à l'emplacement du Vaisseau de Skylar. Fr'ehe avait vu de nombreux vaisseaux dans sa vie, même des vaisseaux cargo, mais c'était la première fois qu'il voyait un vaisseau de l'Académie. En raison de ses activités illégales, il avait toujours évité les autorités. Aujourd'hui, il en avait une à ses côtés. Mais, il n'avait pas le choix, s'il voulait que Siirus vienne sur Zetania.


Il s'arrêta un instant et jeta un regard à Skylar. Elle était encore plus pâle et elle ne tarderait pas à s'évanouir de nouveau.


— Nous y sommes, Capitaine, lui dit-il en la secouant légèrement.


Skylar n'eut pas le temps de répondre que la porte principale du vaisseau s'ouvrit bruyamment. Cavah. Fr'ehe fut surpris de voir Cavah sortir du vaisseau et resta bouche bée pendant quelques secondes.


— Alors, c'est lui Pilote, commenta-t-il à Skylar alors que Cavah descendait vers eux. Tout s'explique.

— Je suis désolée de vous avoir caché cette information, mais vous comprenez pourquoi je ne pouvais rien vous dire...

— Je comprends.


Cavah était descendu jusqu'à eux et avait pris la relève de Fr'ehe pour aider Skylar. Il la soutenait fermement alors qu'ils remontaient lentement dans le vaisseau. Ils s'arrêtèrent devant l'entrée et se tournèrent vers le Zetanien.


— Venez avec nous, dit faiblement Skylar. Plantia est voisine d'Esmentia, vous pourrez revoir votre famille...

— Je ne peux pas. Ma famille est saine et sauve, mais ce n'est pas le cas pour les habitants de la Lune. Je peux les aider.

— Je vois.

— Partez tant que vous le pouvez encore, mais je compte sur vous, Capitaine, pour prévenir Siirus. J'espère ne pas m'être trompé en vous aidant.

— Vous avez ma parole, Fr'ehe.


Ils se saluèrent tous les deux. Fr'ehe observa le vaisseau quelques instants avant qu'il ne décolle finalement en soulevant des nuages de poussière.


— Douar, tu me reçois ? dit Fr'ehe en sortant son communicateur. Douar ?

— Plus ou moins, répondit une voix entre deux grésillements.

— As-tu pu partir ?

— Oui, je suis en... autour... la planète...

— Répète.

— Je... en orbite autour de la...

— Un vaisseau de l'Académie vient de décoller. Il se rend sur Plantia, je veux que tu y arrives avant lui.

— Sans vous ? c'est insensé...

— C'est un ordre, Douar. Le Capitaine se rend sur Plantia je t'ai dit ! ils vont trouver Julius, tu dois le trouver avant eux.

— Pourquoi faire ?

— Ils cherchent le Clan de Maginas.

— Oh... Compris. Pourquoi vous... venez pas... nous ?

— Je ne peux pas. Mais toi oui. Avec un peu de chance, ils ne trouveront jamais le Clan de Maginas. Ne les laisse pas savoir que tu étais là-bas. Tu as carte blanche.

— Compris.


Fr'ehe coupa la communication. Il ne pouvait pas partir lui-même, mais il pouvait guider ceux qui le pouvaient. Avec de la chance, l'Académicienne ne trouvera jamais Maginas.

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