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Photo du rédacteurMartha BLK

Krœnos - Chapitre 9 : Julius Shayne


La porte principale du Krœnos se referma derrière eux. Cavah avait du mal à retenir son capitaine. Bien sûr, il prendrait soin d'elle, mais c'était compliqué si elle-même ne voulait pas qu'on prenne soin d'elle.


— Spirit, décolle. Peu importe la route, ordonna Cavah alors qu'ils se dirigeaient vers l'infirmerie.


— Non, menez-moi au poste de Commande.


— Ça ne va pas ?! vous n'êtes pas en état.



— C'est un ordre, Cavah ! il faut que je prévienne l'Académie.


Cavah accepta sans grande joie alors que le vaisseau vibrait de nouveau sous leurs pas. C'était presque rassurant de se savoir dans l'espace.


Dès qu'ils arrivèrent au poste de Commande, Skylar s'effondra sur son siège. Elle s'assit pour se donner une certaine prestance avant de contacter Siirus. Cavah prit place au poste de Communication.


— Contactez l'Amiral. Sur écran.


— À vos ordres.


Quelques secondes plus tard, le visage de l'Amiral apparut sur la large fenêtre. Une première pour Cavah.


— Capitaine Hogan, que me vaut cet appel ?


— Ce n'est pas de la courtoisie, j'en ai bien peur… répondit-elle faiblement.


— Que se passe-t-il ? demanda-t-il soudain inquiet.


— Ma mission m'a menée jusqu'à la Lune de Zars, Zetania. Mais il y a eu un problème, un problème de taille… Zars a envahi sa Lune, c'est un génocide qui s'y passe actuellement, Amiral.


— Zetania est fédérée mais possède son propre système, Zars n'a aucun droit d'envahir sa Lune ! Nous n'avons pas eu vent de ce projet.


— Et pourtant, il est bien en cours, et ça se passe à l'heure actuelle. Ils ne reconnaissent pas l'autorité de l'Académie, j'ai bien essayé.


— Zars est donc hors-la-loi. Un génocide, vous avez dit ?


— Les soldats Zarsiens tuent à vue, peu importe la personne. Représentant féminin, masculin, indécis, non-genré ou enfant, ça leur est égal. Amiral, je vous en prie, il faut que vous interveniez.


Un silence.


— Et nous interviendrons, je vais mettre en place des Vaisseaux d'Intervention. Le génocide est interdit, tout comme envahir une planète sans l'ordre direct de l'Amiral et de Siirus. Zars a agi selon leur… Que vous arrive-t-il ?! s'exclama l'Amiral en voyant le visage de son Capitaine se tordre de douleur.


— Ce n'est rien…


— Vous êtes blessée. Qui vous a fait ça ?


— Un soldat Zarsien…


— Oh. La situation se complique.


— Que voulez-vous dire par là ? demanda Skylar.


— Invasion non-autorisée, génocide et maintenant violence aggravée sur un représentant de l'autorité. Zars ne s'en sortira pas, Capitaine.


— Mais…


— Nous nous occupons de Zars, coupa l'Amiral. Vous allez vous faire soigner et finir votre mission. Cette affaire ne vous concerne plus.


— Amiral.


— Capitaine Hogan, j'ai bien conscience que les Humains ont du mal à suivre les ordres mais pour une fois suivez ceux-ci. Restez en vie et finissez votre mission. Zars n'est plus votre problème.


Un nouveau silence. Skylar hésita un instant avant de soupirer, résignée, et de répondre.


— À vos ordres...


Et la conversation se coupa. Zars n'était plus son problème, qu'il avait dit, et il n'avait pas tort. Elle avait respecté sa parole, il fallait se reconcentrer sur le Dernier Protocole.


— Spirit, fais route sur Plantia.


— À vos ordres, Capitaine.


— Cavah…


— Oui ? demanda-t-il en s'approchant d'elle.


— Je vais perdre connaissance dans quelques instants, pouvez-vous avoir l'amabilité de me mener à l'infirmerie ?


Il ne répondit pas et la prit dans ses bras. C'était une étrange façon de demander les choses. Soit elle perdait patience, soit elle était polie, il n'y avait pas de juste milieu avec elle. Il obéit et la mena à l'infirmerie. En suivant les instructions de Spirit, il put la soigner au maximum, mais aucun d'eux n'était docteur. Il fallait veiller sur ses fonctions vitales avant tout. Plantia était encore loin. En attendant que Skylar aille mieux, Cavah se retrouvait à devoir gérer le vaisseau.


Guora…


Skylar respirait difficilement, la fièvre semblait avoir grimpé en flèche.


Le Clan de Maginas…


Elle tournait et se retournait, des sueurs froides, des souvenirs gisant dans le coin de sa tête.


Ils sillonnent la Galaxie… ce sont des arnaqueurs… des criminels…


Cavah et Spirit avaient fait de leur mieux pour la soigner.


Ils sont venus sur ma planète…


Guora, ils y étaient allés, c'est ce qu'avait dit Deayh Prev.


Ne croisez jamais la route du Clan de Maginas… Promettez-le moi…


Elle aurait dû l'écouter.


Skylar se réveilla non pas en sursaut mais doucement, sa tête lui faisait mal et était lourde, sa vision était troublée et floue comme le lendemain d'une soirée trop arrosée. Elle cligna plusieurs fois des yeux, elle était bien à l'infirmerie.


Guora…


— Guora ! s'exclama-t-elle en se relevant cette fois.


Il semblait qu'elle venait de se faire poignarder, sa blessure la tirait atrocement.

— Vous devriez être endormie, intervint sans attendre Spirit.

— Spirit. Ça fait combien de temps que je suis dans les vapes ?

— Étonnamment, ça ne fait que quelques heures.

— Où est Cavah ?

— Toujours au poste de Commande... Capitaine, je vous conseille vivement de rester ici.

Skylar s'était mise debout, difficilement. Elle n'aimait pas rester couchée à ne rien faire. Et quelque chose l'avait angoissée, un rêve, un souvenir… Quelque chose.

— Il faut que je sorte, Spirit.

— Capitaine…

— Ne t’inquiète pas.

Spirit savait pertinemment qu'il était vain de discuter avec le Capitaine ; s'il y a bien une chose qu'il avait appris à ses dépens sur les humains, c'est qu'ils étaient extrêmement têtus.

Skylar sortit de l'infirmerie en grognant. Ils avaient fait de leur mieux, mais elle avait si mal. Elle se rendit compte qu'elle était encore tout habillée ; au moins, Cavah avait eu la décence de la laisser comme ça. Elle marcha doucement en direction de ses quartiers et enfila une large chemise grise avec son legging noir, et de grosses chaussettes. Skylar avait pu constater que sa blessure avait été maladroitement soignée, mais c'était suffisant. Elle prendrait quelque chose pour la douleur et ça irait.

En 10 minutes, elle atteignit enfin le poste de Commande. Lorsque la porte s'ouvrit, Cavah se tourna et la regarda plus que surpris.

— Ne me regardez pas comme ça… dit-elle encore en grognant.

— Qu'est-ce que vous faites là ?! vous devriez être à l'infirmerie ! répondit-il en l'aidant à aller s'asseoir dans son siège. — J'ai bien essayé de la raisonner, mais voilà 10 minutes qu'elle se promène dans le vaisseau, intervint Spirit.

— Ça va, ça va. Je vais bien.

— Spirit ?

— Sa température corporelle est anormalement élevée.

— Connaissez-vous la planète Guora, Cavah ? demanda Skylar afin de couper court à la conversation.

Cavah s'était rassis au poste de Pilotage, il se tourna vers elle. Pendant un instant, elle semblait ailleurs.

— Je ne crois pas non, pourquoi ?

— C'est une planète pittoresque, loin de tout, avec des plaines à perte de vue.

— Ça doit être… magnifique ?

Un silence.

— Je ne sais pas, je n'y suis jamais allée.

— Je ne comprends pas, répondit Cavah visiblement confus.

— Il y a… quelque temps déjà, j'ai rencontré un Guoranien, bien avant notre rencontre, il m'a dit que Maginas et son Clan s'étaient rendus sur sa planète, qu'ils y faisaient affaire. Mais pourquoi Guora ? pourquoi Maginas irait sur une planète aussi désolée que celle-ci, perdue au fin fond de la galaxie ?

— L’esprit de Maginas est hors de notre compréhension, Capitaine, je ne pense pas que ce soit ce genre de question qu'il nous faut poser.

— Possible…

— Comment en êtes-vous venus à vous rencontrer, vous et le Guoranien ?

— C'est une histoire que je vous raconterai une prochaine fois.

Le silence retomba dans l'habitacle. Cavah se retourna et se concentra sur son poste, quant au Capitaine, elle était de nouveau perdue dans ses pensées. Sa fièvre avait fait remonter certains souvenirs qu'elle avait essayé d'oublier, c'était du passé, de l'eau avait coulé sous le pont alors pourquoi s'en souvenir maintenant ?

Le temps passa lorsqu'elle finit par obéir à Spirit qui lui conseillait vivement de retourner se reposer. Elle irait seule, Cavah avait déjà beaucoup de travail, il n'avait pas besoin d'un baby-sitter. Elle prit quelque chose pour la douleur et la fièvre, et alla se coucher dans ses quartiers. Cette fois, elle ne fit aucun rêve.

Plantia fut en vue après presque deux semaines terrestres. Leur voyage avait été très calme… trop calme. Quelque chose se tramait derrière son dos, mais elle ne savait pas quoi.

Douar était parti dès que Fr’ehe lui en avait donné l’ordre. Ils n’étaient que cinq, lui comprit, mais c’était largement suffisant. Il avait dit qu’un Vaisseau de l’Académie se rendrait sur Plantia pour drainer auprès de Julius des informations concernant le Clan de Maginas. Mauvaise idée. Fr’ehe lui avait donné carte blanche pour convaincre Julius de ne rien dire. Alors il ferait ce qu’il faut.

Douar avait attendu de voir le Vaisseau de l’Académicien partir, maintenant il devait le devancer de quelques jours au moins, mais même son ordinateur de bord ne pouvait pas prévoir la route qu'il prendrait, à son grand désarroi. Il pouvait très bien arriver avant eux. Alors Douar avait chargé son équipage de booster le cœur du Vaisseau.

Le temps passe différemment lorsque l’on voyage dans l’espace, chaque espèce a sa propre façon de voir le temps défiler, par chance l’équipage de Douar était tous de la même espèce. Dans leur propre image du temps, presque 12 jours étaient passés. Avec de la chance, l’Académicien et son pilote n’étaient toujours pas arrivés sur place.

Plantia. Planète relativement calme, bon quartier de la Galaxie, bon voisinage. Il y faisait bon vivre. Voilà pourquoi Julius Shayne avait décidé d’y prendre sa retraite. Ça désolait presque Douar de devoir le ramener à tout ça, mais tout le monde finit par voir son passé resurgir un jour ou l’autre. Julius avait érigé sa demeure sur la Troisième Colline dans le coin le plus reculé de la planète. C’était littéralement la troisième colline du secteur. Le seul village voisin était à des kilomètres.

Douar et son équipage atterrirent non loin de la demeure. Vue du ciel, tout paraissait si calme. Il put même voir Julius s’afférer sur son champ, mais aucun Vaisseau de l’Académie n'était visible, ça c’était une bonne nouvelle. Dès que celui-ci aperçut le Vaisseau, il le reconnut directement. Sa tranquillité était terminée. Fr’ehe était de retour.

— Je vais sortir, informa Douar, je prends Élise avec moi. Vous trois, vous restez là, soyez prêts à décoller s’il y a des échauffourées.

— Je croyais que Fr’ehe ne voulait pas que l’Académicien sache que nous étions là ? demanda un des trois Togusins.

— Et il ne le saura pas, mais il faut être prêt à tout.

— Compris.

Équipés de leurs armes, Élise et Douar eurent à peine le temps de mettre un pied dehors que Julius se tenait droit devant eux, arme au poing.

— Eh là ! s’exclama Douar en empêchant Élise de sortir la sienne. C’est comme ça qu’on salue ses vieux amis, Julius ?

— Uniquement ceux qui veulent me tuer. Où est Fr’ehe ?

— Pas ici.

— Alors faites demi-tour et partez.

— J’ai bien peur que ce ne soit pas possible, Julius, dit Douar alors que lui et Élise étaient maintenant dangereusement proches de son arme.

— Fr’ehe n’est pas là, mais c’est lui qui nous envoie, continua Élise.

— Ça m’est égal ! partez !

— Baisse ton arme ou ça va mal finir, répondit Douar.

— J’ai dit, partez !

Mais Julius n’eut pas le temps de continuer qu’Élise le désarma en moins d’une seconde et le frappa à la tête afin de le faire tomber au sol. Les Togusins utilisaient rarement leurs poings pour se battre, ils raffolaient des armes de toutes sortes. Élise n’aurait probablement pas eu besoin de l’arme de Julius pour le mettre au sol, mais ça n’avait rien d’amusant avec ses poings. Julius n’était pas le plus imposant des trois, il savait quand il fallait renoncer à un combat.

— Qu’est-ce que vous voulez ? je n’ai plus rien à vous offrir, dit-il résigné alors qu'il était toujours au sol.

— Tu as une dernière chose à nous offrir, répondit Douar alors qu'il le relevait non sans mal. Allons discuter, veux-tu.

Julius les mena sans grande joie dans sa maison, elle était étrangement belle et apaisante. Ils étaient tous les trois assis dans le salon, chacun devant une tasse de thé fumant.

— C’est une belle demeure que tu t’es construite là.

— Fr’ehe m’a laissé partir. Il m’a laissé partir ! qu’est-ce que je dois faire…

— Calme-toi, Ju, dit Élise, on ne va pas te tuer.

— Dans sûrement peu de temps, un Vaisseau de l’Académie va débarquer ici, à son bord un Académicien et son pilote. Ils vont te poser des questions sur le Clan de Maginas et comment le trouver.

— Maginas ?

— Tu sais où le trouver n’est-ce pas ? demanda Élise.

— Pas vraiment, mais je sais comment. Nous sommes encore en contact de temps en temps. Mais pourquoi l’Académie voudrait cette information ?

— Peu importe, de toute façon tu vas leur mentir, répondit Douar.

— Mentir ? à l’Académie ?!

— C’est aussi pour ton bien, Julius, que préfères-tu ? mentir à l’Académicien ou avoir le Clan de Maginas à tes trousses quand ils apprendront que c’est toi qui a aidé l'Académie à les trouver ?

Un silence. Julius savait très bien que les deux choix étaient synonymes de mort. Ce n’était ni une bonne idée d’avoir l’Académie à ses trousses, ni le Clan de Maginas. C’était comme choisir entre deux maladies mortelles…

— On va faire plus simple, Julius, intervint Douar en pointant son arme sur lui en voyant qu’il mettait trop de temps pour répondre. Soit tu leur mens, soit tu meurs.

— Douar ! s’écria un des membres d’équipage resté sur le Vaisseau à travers son oreillette. On a un problème ! un Vaisseau de l’Académie vient de rentrer dans l’atmosphère !

Doma. Éteins tout, ordonna-t-il. Julius ?

— D’accord…

— Où peut-on se cacher ? demanda Élise alors qu'ils se levaient précipitamment.

— Derrière, répondit-il en désignant un rideau terne cachant la vue d’une chambre.

Ce n’est pas du tout le genre de journée que Julius s'était attendu à vivre en se réveillant ce matin, se dit-il, alors qu'il observait ses ex-compagnons se cacher derrière le rideau de sa chambre.

— Plantia. Vraiment pittoresque, remarqua Cavah alors que le Vaisseau pénétrait dans l’atmosphère.

— Comme l’avait dit Fr’ehe. Où se trouve cette fameuse Troisième Colline ?

— Si je ne me trompe pas, nous y sommes presque.

— Bien. Retrouvez-moi à l’entrée.

Skylar sortit sans attendre du poste de Commande et alla prendre une arme pour elle et une pour Cavah. Fr’ehe avait dit qu'ils auraient moins de soucis ici, mais elle avait appris que la confiance ça ne s’acquiert qu’avec le temps.


Plantia ressemblait à s’y méprendre à chez elle, mais elle lui trouvait moins de charme et surtout moins d’eau et de forêt. Peu importait le nombre de planètes qu’elle avait pu voir jusqu’à présent, aucune ne lui avait fait oublier sa Terre.


Elle enfila sa veste en cuir noir et mit son arme dans le holster sur sa cuisse. Elle aimait l’avoir à porter quand elle ne savait pas où elle se rendait. La première fois qu’elle avait embarqué dans le Krœnos, elle n’aurait jamais cru devoir utiliser une arme. Et pourtant…


Cavah fit atterrir le Vaisseau presque sans encombre, ce qui la sortit de ses pensées brusquement. Il la rejoignit devant l’entrée juste après. Lui aussi avait opté pour des vêtements noirs, elle aurait pu faire une blague quelque peu douteuse sur leur funèbre destin, mais ce n’était pas le moment. Elle ouvrit alors la porte.


— Qui êtes-vous ? demanda Julius sans attendre.


Il savait très bien qui ils étaient, d’où le fait qu’il les avait accueillis sans arme, mais il fallait garder la face pour ne pas se faire tuer par Douar ensuite.


— Je crois… je crois que je connais ce Vaisseau, chuchota Cavah à l’oreille de Skylar en désignant le deuxième Vaisseau non loin du leur.


— C’est le vôtre ? ce Vaisseau ? demanda-t-elle.


Julius Shayne sembla confus un instant. Quel Vaisseau ? il n’en possédait plus aucun. Le Vaisseau de Fr’ehe, évidemment !


— Oui, à qui d’autre voulez-vous qu’il soit ? qi êtes-vous ? répondit-il sur la défensive.


— Capitaine Skylar Hogan du Vaisseau Académique le Krœnos, voici mon pilote Cavah, fit Skylar en montrant son Bracelet. Il faut qu'on parle.


Cachés derrière le rideau, Douar et Élise attendaient patiemment que Julius s'occupe de l'Académicien, non sans crainte que ça tourne mal. Pour eux. Fr'ehe avait été clair, ils ne doivent pas savoir qu'ils étaient là. De là où ils étaient, ils n'entendaient que des murmures lointains puis finalement des pas de plus en plus proches et la porte qui s'ouvrit. Ils n'entendaient que deux brins de voix, Julius et une autre personne, qui avait une voix plus aiguë. L'Académicien était donc une Académicienne.


— C'est une belle demeure, c'est vous qui l'avez construite ? demanda-t-elle.

— Non. On est bien que tout seul. Je vous en prie, asseyez-vous, leur dit-il.


Ils prirent place sur trois sièges autour d'une table basse. Il avait dit vivre seul alors à qui étaient les deux autres tasses d'un liquide encore brûlant ?


— Vous attendez de la visite, Shayne ? reprit-elle toujours aussi calmement.


Cavah la regarda sans comprendre. Il n'avait pas encore remarqué les tasses. Mais son regard était fixé sur celui de Julius Shayne.


— Non, pourquoi ? je suis désolé pour cet accueil, je ne savais pas que vous étiez de l'Académie.


— Ce n'est rien.


— Que me vaut cette visite ? en quoi puis-je être utile à l'Académie ?


— Je suis à la recherche du Clan de Maginas. Fr'ehe m'envoie, il m'a dit que vous pouviez m'aider.


— Le Clan de Maginas ?


— Oui.


Un nouveau silence. Skylar n'avait pas lâché des yeux Julius, lui l'a fixé aussi mais durant une fraction de seconde il tourna son regard vers le rideau non loin d'ici.


Derrière celui-ci, Douar et Élise retenaient autant que possible leur souffle, la main sur leurs armes. Julius s'en sortait bien pour le moment, mais tout se jouait maintenant.


— Pourquoi l'Académie recherche Maginas ? reprit Julius en bafouillant.


— Pas l'Académie, seulement moi.


— Pourquoi recherchez-vous Maginas ?


— N'essayez pas de gagner du temps, Shayne, intervint Cavah qui s'était tu jusqu'à présent.


Cette voix, Douar regarda Élise, il semblait qu'il la connaissait mais il n'était pas sûr d'où.


— Savez-vous où se trouve Maginas ?


C'était une question, mais elle était tellement sûre d'elle que ça terrorisait Julius. Il ne voulait pas mentir, mais il ne voulait pas se faire tuer.


— Écoutez, je ne sais pas ce que vous a dit Fr'ehe...


— Vous ne savez pas où se trouve le Clan ?


— Je l'ai su, d'accord ? j'ai su où se trouvaient Maginas et son Clan, mais plus maintenant. Ils changent de QG très souvent, je ne sais pas où ils sont actuellement.


— Donnez-nous leur dernière localisation connue et nous nous débrouillerons avec ça, affirma Cavah.


Julius déglutit difficilement.


— On'ee.


— On'ee ? répéta Skylar. C'est une planète ?


— Non, un astéroïde en orbite autour d'une planète fantôme. Farida. Elle n'est pas recensée, mais je peux vous envoyer ses coordonnées.


— Faites donc ça.


Skylar lui sourit. Elle lui donna le code de son Bracelet afin qu'il puisse lui envoyer les coordonnées de cette fameuse planète fantôme.


— Je reviens, l'Ordinateur est dans ma chambre. Excusez-moi.


Cavah et Skylar acquiescèrent et patientèrent. Julius disparut derrière son rideau.


— Qu'est-ce que tu fais ?! murmura tant bien que mal Douar en le prenant par le col de sa veste.


— J'improvise ! c'est juste une ancienne base de Maginas, ce n'est pas ce que vous vouliez ? répondit-il également en murmurant en les regardant l'un après l'autre.


Pendant ce temps, Cavah regarda Skylar et lui murmura à son tour.


— Qu'est-ce qu'il se passe ? vous ne semblez pas satisfaite.


— Quelque chose ne va pas. Je ne suis pas sûre, je vous expliquerai au Vaisseau.


Le silence retomba et Julius semblait prendre beaucoup trop de temps.


— Est-ce que c'est bon ? fit-il finalement de l'autre pièce. L'avez-vous reçu ?


Skylar regarda son Bracelet et confirma que oui. Leur hôte d'un instant revint dans le salon. Ils lui dirent quelques mots de remerciement et sortirent. Il ferma derrière eux. Douar et Élise purent sortir à leur tour de la chambre.


— Je dois avouer, Julius, c'était bien joué ! dit-il en mettant sa main sur son épaule.


— Maintenant que c'est fait, vous ne reviendrez plus jamais ici ?


— Tu as fini ton dernier boulot, répondit Élise.


— On ne reviendra pas.


Ils attendaient que l'Académicienne décolle pour reprendre la route à leur tour. Fr'ehe sera content.


— Spirit décolle, ordonna Skylar alors qu'ils entraient à peine dans le Vaisseau, mets-toi en orbite, protocole hors-frontière.


— À vos ordres.


— Que se passe-t-il ? demanda Cavah alors qu'ils couraient jusqu'au poste de Commande.


— Ce n'était pas son Vaisseau, Cavah, il y avait quelqu'un d'autre avec lui !


— Quoi ?


— Je dirais même deux personnes ! il y avait deux tasses, en plus de la sienne, encore fumantes sur la table basse. Ils étaient derrière le rideau et surveillaient, dit-elle en s'installant sur son siège.


— Il nous aurait menti ? s'exclama Cavah qui lui s'installait au poste de Pilotage.


— Je ne sais pas, qu'en partie peut-être. Le Vaisseau, Cavah, vous avez dit l'avoir reconnu.


— Je n'en suis pas sûr. Ça peut très bien être le sien.


— Non. Il a hésité quand je lui ai demandé s'il était à lui. Il a dit non quand je lui ai demandé s'il attendait de la visite alors qu'il y avait deux tasses en plus et il a mis bien trop de temps pour envoyer ces foutues coordonnées. Je pense qu'il a menti pour se protéger. Maintenant il ne reste plus qu'à savoir qui le menaçait. Qui ne veut pas que nous trouvions Maginas.


— Que fait-on ?


— On attend. Le Vaisseau ne va sûrement pas tarder à décoller. Spirit.


— Interception ? demanda l'Ordinateur.


— Là, tu parles ma langue !


Plus les jours passaient, plus Cavah était surpris par la réactivité du Capitaine, mais également par la facilité que l'Ordinateur et elle semblaient se comprendre. Peut-être avait-elle vraiment réussi à forger un lien avec une machine ?

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