Allers et Retours dans le Temps…
L'homme ouvrit les yeux, sentant l'air revigorant lui caresser le visage. Les Voyages temporels devenaient de plus en plus éprouvants au fil du temps. Chaque nouvelle sortie semblait le faire souffrir davantage. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de continuer. Après tout, c'était pour cette raison qu'il avait reçu sa montre : pour vivre des aventures à travers les âges.
Mais récemment, les choses avaient pris une tournure étrange. Des détails historiques insignifiants semblaient se transformer en événements majeurs, altérant le cours de l'Histoire. Ces changements devenaient de plus en plus permanents à mesure que le temps s'écoulait. Quelque chose clochait, un bouleversement paraissait avoir affecté le tissu même du temps. Mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus… ni à déterminer quand cela avait commencé. Les rares autres Voyageurs qu'il avait croisés avaient également remarqué ces anomalies, mais aucun ne pouvait en identifier l'origine. Malgré ça, il continuait ses voyages, menant ses propres recherches tout en profitant de l'aventure.
Consultant sa montre, il constata qu'il était 5 h 32. Le soleil se lèverait bientôt, réveillant les rues endormies de Paris au XIVe siècle. Il venait de rentrer du XXIIe siècle et devait se changer rapidement pour éviter d'attirer l'attention. Mais les effets secondaires des voyages temporels le tiraillaient : nausées, vertiges… Voyager n'était pas toujours un plaisir, mais il savait qu'il devait surmonter ces inconvénients pour ne pas manquer ce que le temps lui réservait. Il voyageait seul, mais faisait toujours des nouvelles rencontres. Les Voyageurs étaient étrangement seuls.
Alors qu'il s'engageait dans une grande rue encore déserte, une voix familière le surprit.
— Enfile ça ! lui ordonna-t-on.
Il se retourna pour découvrir Schmitt, un autre Voyageur avec qui il avait tissé des liens au fil du temps. Bien qu'ils viennent de différentes époques, ils partageaient cette étrange existence de sauteurs temporels. Schmitt venait du XVIIe siècle.
— Schmitt ?! tu fais quoi ici ? demanda-t-il, perplexe.
— Enfile ça, puis nous discuterons, répliqua Schmitt, lui tendant des vêtements d'époque.
L'homme obéit, se changeant rapidement tandis que le soleil montait dans le ciel et que les rues s'animaient peu à peu.
— Bien. Maintenant, parlons, déclara Schmitt, l'invitant à marcher à ses côtés.
— Pourquoi tu es ici ?
— Oh, tu sais, l'histoire d'un homme qui se prétendait Voyageur du Temps au XIVe siècle et qui a fini par être interné dans un asile. Ça te dit quelque chose ?
— Non, pas du tout, répondit-il, surpris.
— C'est normal, car je viens de t'éviter ce destin. C'est de toi dont je parle. Tu aurais fini comme ça si je ne t'avais pas trouvé, ajouta Schmitt.
— Oh… merci ?
— De rien. Mais surtout, c'était une excuse pour avoir cette conversation.
— Que se passe-t-il ? demanda l'homme, de plus en plus intrigué.
Schmitt et l'homme continuaient de déambuler dans la rue, tandis que les habitants commençaient leurs activités, inspirant une nouvelle vie à la ville. Paris au XIVe siècle avait toujours été fascinant, et voyager dans le temps ne cessait de procurer une sensation étrange. Pourtant, Schmitt semblait perturbé par quelque chose.
— Je suis retourné en 2099 pour la seconde fois, mais tout était différent, confia-t-il avec inquiétude. Tu sais, 2099 est une époque post-apocalyptique. La société était censée se reconstruire, la démographie augmentée. Mais cette fois-ci, rien n'était en accord. Tout semblait figé, voire pire. Ils annonçaient même la construction de nouvelles armes nucléaires. Il y a clairement quelque chose qui ne tourne pas rond avec le temps.
— C'est c'que je craignais, répondit l'homme, partageant son expérience. J'ai observé des pans entiers de l'Histoire modifiés. Les autres Voyageurs que j'ai rencontrés ont constaté la même chose, mais personne ne connait l'origine. T'as une idée de la cause ?
— Eh bien, j'ai peut-être une piste. J'ai tenté une approche différente, inspirée par les enseignements d'un Voyageur de 2287. Au lieu de chercher la cause directe, j'ai suivi ce qu'il appelait les "lignes du temps", et j'ai trouvé des coordonnées. Toutes ces lignes convergent vers une seule personne : une jeune Voyageuse sans grande importance. Je pensais que tu pourrais t'en charger, mener l'enquête à ta manière. La seule date que j'ai est le 16 février 2017 à Londres, au Royaume-Uni.
— Tu as un lieu précis ?
— Oui, attends, répondit Schmitt en fouillant dans ses poches.
Il en sortit une photo en noir et blanc, semblable à celles des temps passés ou futurs selon la date. L'homme l'examina attentivement. C'était la façade d'un restaurant nommé l'Auben. Schmitt était bien plus doué que lui pour les enquêtes. Sans hésitation, il accepta la mission. Il se rendrait dans le futur pour découvrir ce qui avait altéré le cours de l'Histoire.
— J'ai la date, mais il me manque l'heure exacte et une description de la Voyageuse, souligna-t-il.
— D'après mes informations, tu devrais la trouver dans ce restaurant aux alentours de midi, précisa Schmitt. Je ne peux pas te décrire son apparence avec précision, mais je suis convaincu que tu la reconnaîtras dès que tu la verras. Les Voyageurs se reconnaissent entre eux, n'est-ce pas ? comme un instinct ?
— Ça dépend des Voyageurs, mais je vois ce que tu veux dire. C'est étrangement vrai. Bon, j'ai toutes les informations dont j'ai besoin. Tu peux compter sur moi.
Dans les heures qui suivirent, ils se promenèrent dans les rues de Paris, échangeant des au revoir en fin d'après-midi. L'homme avait promis de tenir Schmitt informé de ses progrès, et ce dernier lui avait déjà fixé un lieu de rendez-vous pour leur prochaine rencontre. Schmitt disparut dans un éclair blanc, laissant l'homme seul dans un coin de rue. Il ôta sa tenue du XIVe siècle, régla sa montre, et activa le mécanisme. Une sensation désagréable de pression dans sa tête précéda l'arrivée dans une nouvelle époque.
Il atterrit à genoux sur le bitume, se redressant péniblement. Ayant suivi les coordonnées fournies par Schmitt, il prit une profonde inspiration avant de lever les yeux, malgré les nausées persistantes. La montre affichait le 16 février 2017, 12 h, Londres, Royaume-Uni. Schmitt avait été catégorique : toutes les lignes du temps convergeaient vers une seule personne, une jeune Voyageuse apparemment sans importance. Observant autour de lui, il sortit la photo, confirmant qu'il se trouvait bien devant le restaurant dans lequel elle devait se trouver.
Son regard parcourut l'intérieur du restaurant. Schmitt n'avait pas pu lui fournir une description précise, mais soudain, il la repéra. Une jeune femme aux cheveux blancs, vêtue d'une chemise blanche et d'une jupe noire et coiffée d'un nœud. Étrangement, elle ne ressemblait en rien à un Voyageur. Il remarqua qu'elle ne portait pas de montre, signe qu'elle n’en était pas encore une. Pourquoi l'avait-on envoyé à cette date alors ? il semblait que c'était son anniversaire, à en juger par le gâteau posé devant elle. Mais la scène lui parut triste. Où étaient ses amis ? ses parents ? qui était-elle vraiment ? elle n'était qu'une jeune femme ordinaire. Seulement, toutes les anomalies temporelles remontaient à elle. Pourquoi ?
Alors qu'il observait la scène, elle tourna soudainement son regard vers lui. Il croisa ses yeux, mais le détourna rapidement et s'éloigna autant que possible. Il devait l'admettre, cette fille n'était pas importante, et pourtant, elle était au cœur de tous les bouleversements historiques. Il devait résoudre ce mystère, mais d'abord, il devait découvrir ce qui avait déclenché cette catastrophe. Il disposait de presque trois heures avant que sa montre ne soit rechargée. Il ne pouvait pas partir, pas maintenant. Il s'installa dans un café à proximité du restaurant, heureusement, il avait de l'argent de différents pays et époques dans son sac.
Une heure s'écoula avant que la jeune femme ne sorte enfin du restaurant. C'était une chance que la petite famille reparte à pied. S'il parvenait à obtenir le nom de la jeune fille, il pourrait en apprendre davantage sur elle. Se levant, il décida de les suivre. Il était rompu à cet exercice, l'art de "filer" quelqu'un. La fille marchait derrière avec son grand-père, tandis que son frère était devant avec sa grand-mère. Ils semblaient heureux, et il pouvait le ressentir même à plusieurs mètres derrière eux. Est-ce ainsi que le bonheur pur se manifestait ? Il ne l'avait jamais ressenti de cette manière. Par chance, les rues étaient assez animées, personne ne remarquerait sa discrète surveillance. Après une trentaine de minutes de marche, ils entrèrent dans un immeuble qui semblait bien au-dessus de ses moyens.
— Merde, jura-t-il en réalisant qu'il lui faudrait un code pour entrer.
Il décida d'attendre, espérant qu'une personne sortirait bientôt. Après une trentaine de minutes encore, quelqu'un finit par sortir de l'immeuble. C'était l'opportunité qu'il attendait. Cependant, il ne connaissait toujours pas le nom de la jeune fille. Sans hésiter, il aborda l'homme d'une quarantaine d'années qui venait de sortir, maintenant la porte ouverte.
— Excusez-moi, commença-t-il maladroitement, connaissez-vous le numéro de l’appartement des grands-parents de cette jeune fille aux cheveux blancs ?
— Les Wells ? pourquoi ? demanda-t-il, méfiant.
— Je suis un ami de la famille, mais je viens rarement ici. Merci bien, répondit-il en souriant, soulagé d'avoir obtenu leur nom de famille.
L'homme esquissa un sourire, ne semblant pas avoir saisi la situation, puis s'éloigna. Les Wells, parfait. Avec ce nom de famille, il pourrait au moins repérer leur boîte aux lettres. En inspectant l'entrée de l'immeuble, il identifia six boîtes aux lettres, dont une seule portant le nom "Richard et Isma Wells, rez-de-chaussée". C'était un bon début, mais il lui manquait toujours le prénom de la jeune fille. Posséder leur nom complet et leur adresse suffirait-il pour la retrouver ? malheureusement, dans le contexte du Voyage dans le Temps, cela ne suffisait pas. Alors qu'il réfléchissait, une jeune femme accompagnée de son chien descendit les marches.
— Bonjour, désolé de vous déranger.
— Oui ? répondit-elle avec un sourire chaleureux.
— Connaissez-vous Richard et Isma Wells ? demanda-t-il, faisant de son mieux pour paraître naturel.
— Oh oui, très bien même ! pourquoi ?
— Je suis un ami de la famille, mais je dois avouer que je ne les connais pas très bien. C’est l’anniversaire de leur petite-fille, mais je ne me souviens pas de son prénom. J'ai son cadeau dans mon sac, et je ne veux pas arriver chez eux sans connaître le prénom de la principale intéressée... Vous comprenez ? expliqua-t-il, ajoutant un sourire gêné.
Elle rit doucement.
— Haha, je comprends oui, ça m’arrive souvent d’oublier les prénoms ! elle s’appelle Swann, elle et son frère, Brinley, sont très souvent chez eux.
— Merci beaucoup ! vous me sauvez la vie, dit-il en plaisantant.
— Je vous en prie, bonne journée ! répondit-elle en le saluant avant de s'éloigner.
Ces Britanniques étaient décidément très polis. Son sourire s'effaça dès qu'elle passa la porte. Leur appartement était à quelques mètres seulement, et il aurait pu y pénétrer à l'instant s'il l'avait voulu. Mais il s'abstint. Il régla sa montre sur 1969, USA, New-York, 12h, à un café de la 39e Rue. Schmitt l'attendait là-bas pour discuter de leurs découvertes sur cette affaire. Se concentrant, il actionna sa montre.
Bon sang... Ces Voyages l'exténuaient. Il atterrit à nouveau sur le bitume, dans une sombre ruelle adjacente au café, mais il ne put se relever. Sa tête lui faisait atrocement mal, les vertiges reprirent et chaque pensée semblait déclencher une explosion dans son crâne. Les nausées le tiraillaient. Il savait qu'il retomberait comme une vulgaire poupée de chiffon s'il essayait de se lever. Se tenant la tête d'une main, l'autre retomba mollement sur sa jambe. Il gardait les yeux fermés, incertain de ce qu'il verrait s'il les ouvrait.
Cette sensation indiquait qu'il avait trop voyagé sans repos. Il le savait. Il n'avait pas dormi depuis des jours, mais même en dormant, rien ne changeait. Garder un rythme de vie normal était difficile lorsqu'on voyageait constamment dans le temps. Soudain, deux mains agrippèrent son bras. Il ouvrit brusquement les yeux, déconcerté. Il se sentait extrêmement faible, ce Voyage avait de nouveau eu raison de sa condition physique. Il n'eut pas le temps de voir qui était là que les nausées le submergèrent à nouveau. Cette fois, il ne put les contenir et vomit. La personne qui l'avait agrippé l'aida à éviter les dégâts.
— Eh bien, tu ne t'es pas loupé, dit Schmitt en le maintenant debout.
— Schmitt...? répondit faiblement l'homme, s'essuyant la bouche du revers de la main.
— Il est midi, tu es étrangement à l'heure.
— Comment...
Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que ses jambes lâchèrent. Sans Schmitt, il aurait chuté. Heureusement, son ami était là et le rattrapa sans mal.
— Depuis combien de temps ne t'es-tu pas arrêté? lui demanda-t-il alors qu'ils marchaient lentement.
— Oh, tu sais... c'est compliqué...
— Tu as faim?
— Pas vraiment non, j'ai l'impression que je vais encore tout vomir...
— D'accord, j'ai compris. Pas de nourriture pour toi pour le moment, le coupa Schmitt.
Schmitt aida son ami à marcher jusqu'au café. L'homme tenait debout, mais était bien trop faible. Lui-même avait connu cet état plus d'une fois. Ça arrivait lorsque le corps ne pouvait plus tenir le choc des Voyages dans le Temps. Après quelques heures de repos, il irait mieux. Ils entrèrent dans le café, Schmitt l'aida à s'asseoir puis commanda une tarte aux pommes avec un café noir et un verre d'eau. L'homme enfouit son visage dans ses mains, fermant à nouveau les yeux. Les nausées avaient cessé, mais les vertiges persistaient, et tout semblait tourner autour de lui. Il remercia intérieurement Schmitt de ne pas lui poser de questions sur ses découvertes. Il avait besoin de reprendre ses esprits. Une minute s'écoula avant qu'il ne lève les yeux vers Schmitt, qui le regardait fixement tout en mangeant sa tarte. Une expression de dégoût traversa son visage.
— Ça va aller? demanda Schmitt.
— Ouais, n't'inquiète pas.
— Tiens, dit-il en lui tendant le verre d'eau.
— Non merci...
— Bois.
L'homme ne put qu'obéir. Schmitt pouvait être effrayant lorsqu'il donnait des ordres. Après avoir tout bu, il se sentit étrangement mieux.
— Ça va mieux, n'est-ce pas ?
— Oui, étonnamment.
Schmitt observa son ami, livide. Malgré ses affirmations, il savait qu'il n'allait pas mieux. Il était épuisé, il devait se reposer avant de pouvoir continuer.
— Tu te sens de parler ?
— Oui...
— Bien, qu'as-tu découvert alors ?
— J'ai suivi les coordonnées que tu m'as données, et je suis arrivé près du restaurant. Elle était là, comme tu l'avais dit. Tu avais raison, Schmitt, on peut reconnaître les autres Voyageurs.
— Ha, je le savais.
— Elle était à l'intérieur avec trois autres personnes, que j'ai pris pour son frère et ses grands-parents. Ils fêtaient son anniversaire. J'ai attendu qu'ils sortent, puis je les ai suivis jusqu'à l'immeuble de ses grands-parents. J'ai dû attendre qu'une personne entre ou sorte, car c'était une entrée à code.
— Typique du XXIe siècle, toujours préoccupé par la sécurité. Tu as réussi à entrer ?
— Oui, après avoir baragouiné à deux personnes, j'ai obtenu son nom et le prénom .
— Quels sont-ils ?
— Elle s'appelle Swann Wells. Mais il y a un hic : au moment où tu m'as envoyé, Schmitt, elle n'avait pas encore de montre.
— Mince, il nous faut donc savoir quand elle l'a reçue.
— Si nous voulons comprendre pourquoi les lignes temporelles convergent vers elle, oui.
— Maintenant que nous avons son nom complet et son siècle d'existence, je pense pouvoir trouver cela pour toi. Je vais retourner en 2287 pour obtenir les informations dont tu as besoin.
— D'accord.
— Toi, en revanche, tu restes ici. Commande quelque chose à manger, je te rejoins dans dix minutes.
— Sérieux ?
— Oui, sérieux. Plus de voyage pour toi aujourd'hui. Dès que je reviens, nous trouverons un hôtel.
— Haha, rit l'homme, tu es très moderne pour un homme du XVIIe siècle.
Schmitt ignora la remarque, laissant de la monnaie sur la table avant de partir. L'homme acquiesça et reposa sa tête dans ses bras. Schmitt interpella une serveuse, commanda une tarte aux pommes et un verre d'eau pour lui, puis informa que son ami n'était pas bien mais que la monnaie était déjà sur la table. Il lança un dernier regard à la table, impatient de revenir. Son ami avait vraiment besoin de repos. Schmitt sortit du café, retourna dans la ruelle et régla sa montre pour 2287.
Pendant ce temps, l'homme était toujours affalé sur la table. Il sursauta lorsque la serveuse déposa la tarte et le verre d'eau.
— Votre ami a passé commande. Il a dit qu'il reviendrait dans dix minutes. Je pense que si vous n'avez pas fini d'ici-là, ça se passera mal pour vous, plaisanta-t-elle.
— Ha, merci...
— Tout va bien ? vous êtes tout pâle.
— Oui, ne vous inquiétez pas. Je pense juste avoir besoin de repos, répondit-il en lui rendant son sourire.
La serveuse hocha la tête et repartit s'occuper des autres clients. L'homme jeta un coup d'œil à sa montre. Dans dix minutes, Schmitt serait de retour ? la serveuse avait raison, s'il ne mangeait rien d'ici là, il risquait d'être affamé. Il se força donc à manger un peu, mais les nausées et les vertiges revinrent. Il vida d'un trait son verre d'eau et enfouit de nouveau son visage dans ses bras.
Dix minutes plus tard, Schmitt réapparut dans la ruelle. Les effets des Voyages dans le Temps commençaient à le rattraper également. Il reprit ses esprits et retourna au café, où l'homme était toujours assis. La tarte était à peine entamée et le verre d'eau était vide, ce qui laissait penser qu'il n'avait pas bougé depuis son départ. Il s'installa à côté de lui, remarquant qu'il ne dormait pas.
— T'as trouvé les informations dont on a besoin ? murmura-t-il.
— Tu as mangé de la tarte ? répondit Schmitt.
— Un peu, oui.
— Bien, allons-y.
L'homme releva la tête et Schmitt l'aida à se lever, puis à marcher. Il était encore très faible. Schmitt connaissait un hôtel non loin où ils pourraient se reposer et discuter de la Voyageuse. Les changements dans l'Histoire devenaient plus notables ; par exemple, cette année-là, en 1969, Apollo 11 n'aurait pas lieu, les Russes ayant pris la tête de la conquête spatiale. Ils devaient se dépêcher de découvrir pourquoi cette Voyageuse était si importante.
Ils entrèrent dans l'hôtel, Schmitt soutenant toujours fermement son ami. Ils s'approchèrent du guichet où un réceptionniste les accueillit.
— Bonjour et bienvenue.
— Oui, bonjour. Vous reste-t-il des chambres ? demanda Schmitt.
— Laissez-moi vérifier, répondit-il en feuilletant son carnet.
— Y a des clefs derrière vous… intervint l'homme.
Le réceptionniste leva les yeux, semblant gêné.
— C'est-à-dire que…
— Une chambre. S'il vous plaît, intervint cette fois Schmitt d'un ton sévère.
— O-oui. Tenez, répondit le réceptionniste en lui tendant une clef. Un nom pour le registre ?
— Schmitt. S-C-H-M-I-T-T.
Le réceptionniste acquiesça, nota son nom et les deux amis se dirigèrent vers la chambre. Ils prirent l'ascenseur, la chambre étant au deuxième étage. Schmitt ouvrit la porte. Un seul lit double, quelle ironie. Il ferma derrière lui puis aida son ami à s'installer sur le lit, lui-même prendrait le canapé. À peine l'homme se coucha-t-il qu'il s'endormit aussitôt. Schmitt ne put s'empêcher de sourire, le voyant enfin se reposer, sachant à quel point les Voyages l'avaient épuisé. Puis il se coucha à son tour sur le canapé. Ils avaient grand besoin de repos ; la Voyageuse et l'Histoire pouvaient attendre quelques heures de plus.
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